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La victoire probable de Jair Bolsonaro à la présidentielle brésilienne semble confirmer une nouvelle règle de la politique internationale : les partis de droite dure, trop vite rangés sous l’étiquette inoffensive de «populiste», sont de véritables catastrophes environnementales.

Les indications distillées par Bolsonaro au cours de sa campagne sont terrifiantes : sortie de l’accord de Paris, démantèlement pur et simple du ministère de l’Environnement dont les prérogatives migreraient vers celui de l’Agriculture, «développement» de l’Amazonie à coups d’autoroutes, de barrages, de déforestation et de soja transgénique et, corrélativement, suppression des droits des populations autochtones sur leurs territoires. Le lobby de la viande et les grands latifundiaires sabrent le champagne. La bourse de São Paolo a pris lundi près 6% le lendemain de son score de 46% de voix au premier tour.

Penchants autoritaires

Bolsonaro n’est que l’apex d’un nouvel axe autoritaire et climatosceptique traversant le globe : de Donald Trump qui entend relancer le charbon et lutter contre la «red tape» environnementale, à Scott Morrison, son sosie australien climatosceptique se moquant en pleine séance parlementaire des travaillistes qui auraient peur d’un simple morceau de charbon en passant bien sûr par les pétromonarchies du golfe.

On retrouve en Europe cette même affinité entre carbone et droite dure. En Pologne, un gouvernement aux penchants autoritaires défend bec et ongles les mines de Silésie. En Allemagne, le parti nationaliste AfD soutient les mines de charbon ; son chef, Alexander Gauland, doute même que «l’homme puisse contribuer au changement climatique». En Grande-Bretagne, les ténors du «Brexit dur», Boris Johnson, Jacob Rees, ou Nigel Farage sont tous climatosceptiques.

Intimidations

Dans nombre de ces pays passés aux mains d’une droite dure et charbonnée, le soutien aux industries polluantes se double souvent de violence envers les défenseurs de l’environnement. Sur les 207 qui ont été assassinés en 2017, souvent petits paysans ou issus de communautés indigènes, plus de la moitié l’ont été au Brésil et aux Philippines. Des morts dues en majorité à des milices armées ou à d’autres acteurs non étatiques, même si l’armée et la police prennent une place de plus en plus importante dans ces violences, selon l’ONG Global Witness qui en tient le triste décompte.

Dans les Philippines de Rodrigo Duterte, où l’assassinat de huit paysans opposés à une plantation par l’armée a fait scandale, 90% des morts d’activistes sont imputables aux forces gouvernementales. Et là où il n’agit pas directement, le gouvernement laisse libre cours aux menaces et intimidations venues de l’agrobusiness ou de l’industrie minière, à travers la libéralisation du port d’arme et l’encouragement à se faire justice soi-même. Autant de mesures proches de celles prônées par Bolsonaro, et qui suscitent déjà la peur dans les communautés exposées aux pressions des grands propriétaires.

Dans les années 90, il était de bon ton en France de dénoncer le spectre de «l’écofascisme», le «nouvel ordre écologique» et l’antihumanisme des écolos. Des intellectuels comme Luc Ferry ou Marcel Gauchet ont fait de la dénonciation des penchants autoritaires des environnementalistes leur fonds de commerce médiatique. Comme l’expliquait un article de Gauchet, «sous l’amour de la nature» se cachait en fait «la haine de l’homme». Trente après, c’est exactement l’inverse qui est en train de se produire : la vague brune qui s’abat sur le monde carbure au charbon.

(Cet article est initialement paru dans le journal Libération.)