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Un point de prudence avant de commencer…

La pandémie de Covid-19 et sa gestion, à la croisée des sciences et de la politique, ont suscité des débats nombreux, parfois violents. Nous connaissons tou·tes des groupes, des familles, des collectifs qui ont été déchirés par ces désaccords, aboutissant à une fragmentation toujours plus nette du tissu social en France. Tout cela est la conséquence directe de la politique d’un gouvernement qui fabrique le séparatisme comme l’envers stratégique du consentement, rendant encore plus difficile toute tentative de penser la situation autrement que sur le mode du clash.

Au sein du collectif de rédaction de Terrestres, ces désaccords existent aussi et ils ont donné lieu à des discussions parfois vives entre nous. Pour autant, nous avons toujours tenté de faire vivre ces dissensus, en les envisageant non pas comme des motifs de scission, mais plutôt comme les signes d’une vie intellectuelle et démocratique intense, dont nous essayons aussi de témoigner dans nos colonnes.

Revendiquer la fécondité de ces dissensus pour mieux faire émerger une description juste et plurielle de la situation contemporaine, voilà aussi le signe d’un attachement à ce qu’Isabelle Stengers appelle l’irréduction, c’est-à-dire la méfiance à l’égard de toutes les thèses qui impliquent, plus ou moins explicitement, « le passage de “ ceci est cela ” à “ ceci n’est que cela ” ou “ est seulement cela1 ” ».

Tenir ainsi à l’irréduction contre la réduction d’une situation à une explication définitive, c’est aussi résister à tout ce qui cherche à se draper dans la pureté de l’évidence, c’est-à-dire d’une vérité dévoilée. Ainsi, examiner la manière dont une thèse peut en faire balbutier une autre, la compléter, l’infléchir ou en renforcer la pertinence, voilà une toute autre affaire que de chercher une thèse officielle ou alternative qui révèlerait enfin le vrai d’une situation — et de préférence tout le vrai.

C’est pour ces raisons que nous avons collectivement décidé de continuer à publier une variété de textes sur la situation pandémique. Des textes qui ne reflètent pas forcément le point de vue de l’ensemble des membres du collectif de rédaction. Des textes avec lesquels certain·es d’entre nous sont même parfois en franc désaccord. Mais des textes qui nous semblent à même, par leur diversité et les rencontres qui en procèdent, d’esquisser ensemble un tableau analytique de la situation pandémique et politique.

La tâche n’est pas facile, mais nous essayons de faire de notre mieux, en respectant la temporalité qui est celle de la revue : celle du recul et de la réflexion, plutôt que celle de la réaction et de la polémique. Aussi, n’hésitez pas à nous suggérer des textes qui pourraient contribuer à ce travail lent et patient de description et d’éclairage du présent.

Bonnes lectures dans les méandres !

Le collectif de rédaction de Terrestres

A propos de : Gil Bartholeyns, Le hantement du monde. Zoonoses et Pathocène, Dehors, 2021

« Pathocène », voici un nom de plus. Un énième terme était-il nécessaire pour désigner notre époque et les problèmes écologiques qui la troublent ? Chaque nom exprime une coupe interprétative, une forme d’attention, une prise de position politique : leur déploiement correspond à une situation très ouverte et incertaine (donc en besoin de prises et de repères) comme celle que nous vivons – et qui peut paraître, au premier abord, innommable et sidérante.

« Anthropocène » est sans doute le nom le plus célèbre que la théorie écologique (notamment à travers Paul J. Crutzen et Eugene F. Stoermer) a su donner à notre période historique : celle où les activités des êtres humains se sont avérées interférer d’une manière dangereuse avec les métabolismes géologiques et atmosphériques de la planète. Tous les êtres humains ? Pas vraiment, seulement un secteur déterminé de l’espèce humaine ayant développé et répandu le système socio-économique connu sous le nom de « Capitalisme » et responsable de l’inquiétante influence sur les équilibres environnementaux que nous constatons depuis plusieurs décennies. « Capitalocene » est le terme alternatif élaboré à ce sujet par Jason W. Moore, auquel Jairus Grove répondrait par « Eurocene » en rétrécissant le focus sur une secteur géopolitique plus précis, celui européen, responsable des cultures et des pratiques écologiquement insoutenables qui ont été ensuite globalisées. Et comment expliquer les responsabilités écologiques d’un pan significatif de la modernité, celui de certains états socialistes par exemple, dont l’opposition aux logiques capitalistes et eurocentriques n’a pas coïncidé avec un rapport plus attentif et moins extractiviste aux environnements habités ? Voici l’idée de nommer « plantationocène » – définition collective de 2014, reprise par Donne Haraway – cette phase afin de montrer que le pli écocidaire qui la caractérise ferait référence moins à la simple logique marchande qu’au modèle de la plantation : c’est-à-dire, celui d’une gestion verticale des milieux vivants (humains comme non humains) dont l’équilibre complexe et local est soumis à une exploitation reductrice et violente selon des rationalités et des intérêts éloignés. Et ainsi de suite : « Alienocene », « Wastocene »…

Nommer le Pathocène depuis la pandémie

La contribution de l’historien et anthropologue lillois Gil Bartholeyns à cette guirlande de noms vient du cœur de la crise pandémique, un « événement durable » ou « pan évènement » selon ses mots qui, en nous enveloppant, ne se laisserait prendre qu’« au-dedans ». D’où la forme de l’accumulation de notes théoriques au ton parfois pamphlétaire qui constituent son dernier livre sorti aux éditions Dehors. L’auteur justifie cette démarche en l’inscrivant dans l’ensemble de productions intellectuelles qui tentent de faire expérience de la crise virale depuis son intérieur : « certains tiennent un journal », d’autres « écrivent des tribunes » ou encore « entretiennent des correspondances »… Bien qu’en réalité au sein du discours de Bartholeyns se télescopent des niveaux réflexifs plus hétérogènes qui relient les commentaires de l’actualité à un terrain quasi-ethnographique dans le milieu de l’élevage industriel ayant donné lieu à un récit fictionnel (Deux kilos deux, 2019) ainsi qu’à une recherche de références historiques et culturelles sur plusieurs siècles. Redessinant les profils de notre époque et de sa généalogie dans le contrejour de la pandémie actuelle, Bartholeyns nous propose donc de la nommer « Pathocene ». Par ce terme, il souhaite mettre en avant la dimension profondément « pathologique » de notre situation historique générée par des exploitations maladives des milieux vivants, qui remontent à bien avant les contingences virales actuelles. À quand ? Les pistes historiques – plus souvent suggérées que argumentées en profondeur dans la rapidité de l’essai – sont multiples : peut-être au début préhistorique de la vie sédentaire et des premières formes d’élevage, certainement au moment de l’industrialisation de la production alimentaire au dix-neuvième siècle.

En dépliant en historien et théoricien certaines thèses discutées à plusieurs reprises ces derniers mois, Bartholeyns lis le Covid 19 comme le terminus (temporaire) d’une longue trajectoire de maladies et de souffrances déclenchées au carrefour de l’espèce humaine et d’autres espèces vivantes – animales, en particulier – par un système productif violent dont l’élevage industriel serait la clé de voûte. Depuis l’évidence de l’extrême contemporain (« au début du XXIe siècle, 75% des pathogènes émergents recensés sont zoonotiques »), Bartholeyns nous invite à faire de notre rapport économique aux animaux à haut taux pathologique le mètre étalon pour mesurer l’insoutenabilité aucunement récente du modèle de vie occidental, désormais mondialisé. Ebola, grippe espagnole, H1N1, H5N1, virus Nipah : il s’agit de considérer la zoonose du Sars-cov-2 moins comme une exception récente que comme l’énième manifestation d’une dégradation pathogène de nos milieux de vie, en cours depuis presque deux siècles au moins1. À ce propos, le raisonnement du Hantement du monde arrive chemin faisant à nous suggérer que la question de la « biopolitique » si importante pour la pensée critique contemporaine (depuis Michel Foucault) peut et doit être redessinée à la lumière de l’administration sanitaire de l’élevage industriel qui a constitué, dès le XVIIe siècle, le laboratoire expérimental des techniques pour augmenter, gérer et protéger la population. En dialoguant en creux avec la thèse agambenienne qui affirme – d’une manière provocatrice quoique lucide – que le camp de concentration serait le paradigme du gouvernement exceptionnel de toute instance souveraine moderne, le discours de Bartholeyns nous laisse penser que le système d’exploitation zootechnique établit le présupposé historique de ce même camp.

Vers une écologie de la santé

En réalité, la lecture en termes de « Pathocene » de notre époque selon Bartholeyns ne met pas seulement en valeur la maladie (physique, mais aussi mentale) comme « figure de la modernité tardive » et de ses vulnérabilités « interspécifiques », mais aussi la dimension pathétique qui nous affecte et nous mobilise face à ces états de dégradation et de souffrance. Donc : autant ce que le délitement des conditions de vie des êtres vivants nous fait d’un point de vue sanitaire que ce que nous faisons face à celui-ci pour le meilleur (transformation possible de notre éthique alimentaire) comme pour le pire (le supplément de verrouillage sécuritaire de l’industrie agro-alimentaire). En ce sens, même si elle se formule spécifiquement depuis la pandémie contemporaine et la perspective animalière, la notion de Pathocène proposée par Bartholeyns entretient tacitement une correspondance avec une vaste tradition théorique de l’écologie qui se sert des paradigmes de la souffrance et du soin, du trouble et de la thérapie pour décrire et intervenir dans la question environnementale. « Comment préserver le monde, le soigner, le réparer ? »: ce sont des enjeux très familiers notamment au milieu écoféministe, mais aussi interrogés par nombre d’autres pensées comme celle de Félix Guattari ou de Glenn Albrecht.

En s’inscrivant en filigrane dans la focale de l’éthique animale très importante dans le débat contemporain (de la philosophe Corine Pelluchon à l’action collective de L214, en passant par la plume de Camille Brunel), l’argumentation du texte de Bartholeyns traverse et entretisse plusieurs questionnements névralgiques de la réflexion écologique d’aujourd’hui. En voici trois corrélés et particulièrement cruciaux qui resituent la question virale et sanitaire dans une problématisation environnementale plus ample.

1. D’abord Bartholeyns nous invite à lire le dérèglement passager (celui pandémique) moins sous la perspective d’une crise temporaire, exceptionnelle et circonscrite que comme symptôme d’une inertie plus profonde et complexe. En regardant le doigt de l’accident (le virus, la fuite dans l’usine chimique, l’incendie estival…), on oublie volontiers la lune de ses raisons plus générales et systématiques2. Alors qu’on tend à s’engouffrer dans l’investigation étriquée mais très médiatisable des causes premières et singulières du fait divers (le patient zéro, le complot du laboratoire chinois, la carcasse du Pangolin contaminé, le marché clandestin etc.), il nous faudrait surtout prêter attention au « complexe pathogène » plus général qui rend possible cette situation, en élargissant l’optique selon une approche plus environnementale et historique. Bartholeyns nous invite à ne pas se laisser piéger par l’attraction des « évènements d’émergence » et leur charme « positiviste » et « factuel », en se rendant davantage sur le terrain « factoriel » et « généalogique » des « conditions d’émergence ». L’élargissement de notre regard concerne également les biais de certaines « conséquences » – notamment l’ « expérience vécue » et la « récession économique » – qui nous empêchent de remettre en discussion des systèmes de causalités complexes.

2. Deuxièmement et conséquemment, Bartholeyns nous rappelle les limites de la fâcheuse tendance de gérer les toxicités plutôt que de tenter de les supprimer (célèbre punchline de l’Encyclopédie des Nuisances) en renchérissant dans la spirale de ce qu’il nomme le « paradoxe du Pathocène »: « le problème est envisagé par une solution qui consiste à contenir le mal au lieu de s’attaquer à ses causes ». Ce qui amène à la contradiction flagrante de ces menaces épidémiologiques générées par l’industrialisation des produits alimentaires animaliers auxquelles on répond en renforçant ce même système d’exploitation technique ainsi qu’en mettant hors la loi ses alternatives. Les établissements d’élevage massif produisent un affaiblissement effrayant des bêtes ainsi que des foyers de contamination pathologique ? Au lieu de changer de façon de traiter les animaux, on les gonfle de médicaments chimiques permettant une gestion (éphémère) du problème qui tend à se présenter d’une façon systématique sous la seule perspective d’une urgence à régler dans l’immédiat.

3. De ces prémisses découle le constat suivant : toute maladie – corporelle ou mentale – nécessite d’être guérie à partir du contexte qui la produit, au lieu d’être « solutionnée » magiquement dans ses seules manifestations locales. Elle doit être comprise selon la perspective d’une « écologie de la santé » qui relie humains, animaux et milieux à l’échelle d’un « état mondial ». Certes, il est important de développer rapidement un vaccin efficace et non dangereux tout comme de monter vite des hôpitaux temporaires, mais peut-on espérer soigner cette épidémie (et les problèmes environnementaux, plus largement) uniquement par ces réactions empressées ? En ce sens, le cas du Covid ne s’éloigne pas tellement de celui du cancer dont l’augmentation exponentielle dans les dernières décennies (autre véritable pandémie) demande au moins autant de développer des stratégies thérapeutiques efficaces et non marchandes que de réfléchir aux conditions de vie responsables de celle-ci en les transformant. Le succès du néologisme « syndémie » pour parler des multiples facteurs structurant des milieux qui génèrent le terrain de déploiement de la pathologie propose exactement cette lecture du phénomène viral et des possibles moyens d’y répondre3 : ici le problème de l’agro-industrie souligné par Bartholeyns côtoie d’autres questions complémentaires (le degré de pollution de nos villes, les conditions de santé de certaines classes sociales, l’investissement dans la santé publique…).

De l’écologie à l’hantologie

L’échelle des milieux qu’on habite et la question conjointe de leur dérèglement dangereux occupent une place centrale dans l’économie théorique de ce texte, son titre en est témoin : « le hantement du monde ». Comme Bartholeyns nous le rappelle par son enquête étymologique, « hanter » signifiait d’abord (depuis le XIIe siècle) « conduire la maison, fréquenter le lieu » et seulement ensuite le fait d’obséder et troubler un espace (depuis le XIX° siècle, celui de l’industrialisation : drôle de coïncidence…). « Hantement », ce terme désuet que l’auteur met en exergue, souhaite ainsi porter notre attention autant sur notre manière de construire et de détruire des milieux de vie que sur les effets inquiétants et insaisissables de cette même manière d’habiter : notamment, du point de vue des animaux, lorsqu’elle efface leurs habitats sauvages ou lorsqu’elle crée des espaces concentrationnaires pour l’élevage industriel. Notre maison (oikos) est hantée car des phénomènes invisibles et immaitrisables la secouent et la ravagent depuis son intérieur : le virus n’est que le dernier en date des nos spectres domestiques (comme l’ozone, le CO2, les radiations etc.). Avec la pandémie tout comme avec les super-incendies ou encore les canicules, nous sommes confrontés à une « effraction continue des habitats » qui rend inquiet, vulnérable et nerveux l’espace qu’on croyait paisible, maîtrisé et confortable de notre « maison ». La maison tremble et s’effondre sur notre tête, comme dans l’optique cauchemardesque que la collapsologie nous impose de prendre en considération.

Le philosophe italien Emanuele Coccia l’affirme depuis plusieurs années : s’il faut faire une critique du terme même d’éco-logie, c’est que son imaginaire casanier et paternaliste (partagé avec l’éco-nomie) nous laisse parfois fantasmer nos environnements (voire notre planète) comme un domicile bien ordonné et accueillant, le nôtre4. À vrai dire, « notre » maison est plutôt le résultat fragile et dynamique d’un mélange complexe et éphémère de formes de vies hétérogènes et interreliées. Aux côtés de Coccia qui propose de parler davantage d’uranologie pour mettre en valeur la fondamentale condition atmosphérique (collaborative, externe et précaire), il est également possible de remplacer le terme écologique par celui d’une hantologie environnementale (qui entretisse Derrida et Bartholeyns). Cela pourrait bien rendre compte de notre habitat terrestre incertain et mouvant qui brouille les distinctions entre dedans et dehors, entre tangible et imperceptible, entre maintenant et autrefois.

Le mélange, est-il le drame ?

En revanche, tandis qu’Emanuele Coccia prône un certain paradigme du « mélange » à partir de la perspective végétale, Gil Bartholeyns se retrouve à défendre un paradigme de séparation à partir de la perspective animale : « l’historien du moyen âge se dit alors la chose suivante : le drame, c’est le franchissement et le mélange ». Les deux paradigmes incarnent deux fronts différents de la théorie écologique mettant l’accent, d’un côté, sur les interdépendances des êtres vivants composant un même milieu et, de l’autre, sur les particularités de chaque forme de vie irréductibles à une volonté de rapprochement (en vue d’un projet d’exploitation)5. En ce sens, Bartholeyns revendique la nécessité d’instaurer des « barrières biologiques » entre les espèces, mais aussi les habitats, en s’emparant de quelques termes très à la mode dans la saison médiatique du Covid. Il nous incite à reprendre et respecter des distances et des frontières, à valoriser la dignité autonome de chaque autre forme de vie, en renouant avec un certain esprit de la deep ecology. Concrètement, cela signifie d’arrêter aussitôt d’entasser les animaux de rente dans nos environnements artificiels insalubres ou de leur imposer de manger d’autres bêtes transformées en farine.

Or, bien que ces propos semblent répondre à un réel besoin de contrer l’emprise vorace d’une espèce (la nôtre) sur les autres, afin d’éviter les conséquences pathologiques que la destruction et le brouillage des milieux provoque, il faut éviter qu’ils s’enlisent dans l’impasse d’une écologie identitaire et conservatrice incapable de répondre aux problèmes du monde contemporain. Les références du médiéviste Bartholeyns à la sagesse biblique par le refrain « chacun selon son espèce » (secundum species suas) laissent parfois dans la bouche un goût amer de purisme idéaliste, d’un créationnisme transcendant. À nombre d’égards, la citation du « jardin d’Eden » et du péché originaire résulte assez périlleuse : comme s’il y avait une nature immuable à observer scrupuleusement… Cela n’est pas totalement faux, surtout depuis la perspective d’un retrait « décolonisateur » des manipulations illimitées du vivant. Toutefois, pour guérir dans notre Pathocène a-t-on besoin de faire référence à une veille autorité religieuse ayant établi un ordre originairement « bon » – et affirmant par ailleurs (dans le même Génése 1) que l’être humain doit « assujettir » la terre et « dominer » les vivants ? Les gestes de thérapie politique dont nous avons besoins ne ressembleraient pas davantage à l’exercice d’attention, de négociation et de transformation du diplomate qui cherche à mettre en valeur et concilier ce qui relie et allie nos différentes espèces en les nourrissant ? Au bout du compte, il est aisé de constater que l’hybridation et la rencontre génèrent des communautés plus souples et résistantes face à une menace comme celle pathologique, alors que là où une seule espèce ou activité règne, la vie se fait plus fragile et démunie. C’est la leçon de toutes les monocultures : les vivants (artificiellement) isolés tombent malades beaucoup plus facilement et s’effondrent plus facilement…

Les remèdes du « chacun chez soi » et de « l’ensemble mais séparément » que Bartholeyns récupère dans le lexique viral ne devraient pas nous conduire à oublier tout le versant des « compagnies » et des « troubles » (D. Haraway), des « ajustements » et des « diplomaties » (B. Morizot), des « frictions » et « survies collaboratives » (A. Tsing), ou encore « des coalitions » et du « faire avec » (Y. Citton) qui nous sont plus que jamais nécessaires pour comprendre et améliorer notre monde tel qu’il est : globalisé et vulnérable, emmêlé et impur.

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Notes

  1. Voir à ce propos, l’entrée « zoonose » de « L’abécédaire des bifurcations » signé par Cora Novirus pour le numéro 80 de la revue Multitudes (2020).[]
  2. C’est ce que le collectif d’écrivains et activistes italiens Wu Ming appelle lap puissance déviante et toxique de l’adoption de la perspective du « virocentrisme » dans le champ politique et médiatique (cf. Wu Ming 1, La Q di qomplotto, Rome, Alegre, 2021).[]
  3. Le concept de « syndémie », par exemple, constitue le point de départ des réflexions bestseller de Barbara Stiegler, De la démocratie en pandémie, Paris, Gallimard, 2020.[]
  4. La vie des plantes. Une métaphysique du melange, Paris, Payot et Rivages, 2016.[]
  5. Sur les deux tableaux à la fois joue la pensée de Frédéric Neyrat qui recommande de séparer ce qui est indument soudé et de rapprocher ce qui a été violemment éloigné dans La part incostructible de la terre, Paris, Seuil, 2016.[]