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Ce texte est l’introduction d’un recueil à paraître aux éditions Wildproject : Lynn Margulis, Dorian Sagan, Microcosmos : 4 milliards d’années de symbiose terrestre, Marseille, Wildproject, 2022.

Quand nous observons la vie sur Terre, il est aisé de croire que nous y régnons en maîtres. Influencés par la conscience, par notre société et nos inventions techniques, nous sommes convaincus d’être la forme de vie la plus avancée de cette planète. Même l’immense obscurité de l’univers observable ne nous rend pas plus humbles. Nous voyons l’espace comme un no man’s land à pénétrer et à conquérir, tout comme nous croyons avoir conquis la Terre.

La vie sur Terre fut traditionnellement étudiée comme un prologue aux humains : des formes de vie « inférieures » dépourvues d’intelligence nous ont précédés, et nous nous tenons maintenant au point culminant de l’évolution. De fait, nous nous estimons si semblables à des dieux que nous pensons parfois prendre en main l’évolution en manipulant l’ADN, grand ressort de la vie, selon nos desseins. Nous étudions le microcosme – le monde multimillénaire des micro-organismes – pour découvrir les mécanismes secrets de la vie afin de mieux en prendre le contrôle, et peut-être même de « perfectionner » ce que nous sommes, ainsi que les autres êtres vivants sur Terre.

Mais au cours des trois dernières décennies, une révolution s’est accomplie dans les sciences de la vie. Les témoignages fossiles de vie microbienne primitive, le décodage de l’ADN, et les découvertes sur la composition de nos propres cellules ont fait voler en éclats les idées reçues quant aux origines de la vie et aux dynamiques de l’évolution sur Terre.

D’abord, tout ceci a montré à quel point il est absurde de considérer les humains comme spéciaux, à part, suprêmes. Le microscope a progressivement dévoilé l’étendue du microcosme, et nous offre dorénavant un stupéfiant aperçu de notre véritable place dans la nature. Il apparaît maintenant que les microbes – également appelés micro-organismes, germes, insectes, protozoaires ou bactéries, selon le contexte – sont non seulement les éléments constitutifs de la vie, mais habitent, et sont indispensables à toute structure vivante actuellement connue sur Terre. De la paramécie à la race humaine, toutes les formes de vie sont des agrégats méticuleusement organisés et élaborés de formes de vie microbiennes en évolution. Loin d’être restés en bas d’une quelconque « échelle » évolutionnaire, les micro-organismes nous entourent et nous composent. Ayant survécu sans discontinuité depuis le commencement de la vie, tous les organismes contemporains sont évolués de façon égale.

Ce constat montre nettement la vanité et la présomption de toute tentative de mesurer l’évolution par une progression linéaire qui irait du plus simple – prétendument inférieur – jusqu’au plus complexe (l’humanité étant la forme absolue, la plus « élevée » au sommet de la hiérarchie). Comme nous le verrons, les organismes les plus simples et les plus anciens sont non seulement les ancêtres et le substrat actuel de l’ensemble des êtres vivants sur Terre, mais ils sont aussi prêts à s’étendre et à se modifier les uns les autres au cas où nous, organismes « les plus élevés », aurions la bêtise de nous annihiler.

Deuxièmement, la vision de l’évolution comme une sanglante et permanente compétition entre individus et espèces – distorsion fréquente de la notion darwinienne de « survie du plus apte » – se dissout au profit d’une vision nouvelle de coopération continuelle, d’interaction forte et de dépendance mutuelle entre les formes de vie. La vie n’a pas conquis la planète par la force et le combat, elle y a tressé son réseau. Les formes de vie se sont multipliées et complexifiées en en cooptant d’autres, et non en se contentant de les tuer.

Parce que le microcosme échappe à l’œil nu, nous avons tendance à minimiser sa signification. Pourtant, des trois milliards et demi d’années où la vie a existé sur Terre, l’histoire entière de l’humanité, des cavernes aux gratte-ciel, ne représente même pas 1 %. Non seulement la vie a pris naissance sur la Terre très tôt dans l’histoire de la planète, mais pendant les deux premiers milliards d’années, celle-ci fut habitée uniquement par des micro-organismes bactériens.

En fait, les bactéries et leur évolution sont si cruciales que la division fondamentale entre les formes de vie sur Terre ne réside pas entre les plantes et les animaux, comme on le croit communément, mais entre les procaryotes – les organismes composés de cellules sans noyau, c’est-à-dire les bactéries – et les eucaryotes – toutes les autres formes vivantes1.

Au cours de leurs deux premiers milliards d’années sur Terre, les procaryotes ont constamment transformé la surface et l’atmosphère de la planète. Ils ont inventé et miniaturisé tous les systèmes chimiques essentiels de la vie, un résultat dont l’humanité est encore loin. Cette forme ancienne et élevée de biotechnologie a conduit au développement de fermentation, de la photosynthèse, de la respiration oxygénée, et au retrait de l’azote contenu dans l’air. Elle a également provoqué des crises mondiales, famines, pollutions et extinctions, bien avant l’aube de formes de vie plus volumineuses.

Ces événements stupéfiants, survenus tôt dans l’histoire de la vie, se sont produits via l’interaction d’au moins trois dynamiques évolutionnaires récemment découvertes. La première est la remarquable faculté d’orchestration dont dispose l’ADN. Identifié en 1944 par Oswald T. Avery, Colin MacLeod et Maclyn McCarty comme la substance servant à transmettre l’hérédité, le code de l’ADN fut déchiffré dans les années 1960 après que James Watson et Francis Crick eurent révélé sa méthode de réplication en 1953. Gouvernée par l’ADN, la cellule vivante peut fabriquer une copie d’elle-même, tromper la mort, et maintenir son identité en se reproduisant. De surcroît, puisqu’elle est sujette à la mutation, qui bricole l’identité au hasard, la cellule a le potentiel de survivre au changement.

Un second moteur de l’évolution consiste en une sorte de génie génétique naturel. La bactériologie a depuis longtemps accumulé des preuves de ce phénomène. Depuis quelque cinquante ans, les bactériologistes ont observé chez les procaryotes des transferts rapides et routiniers de différents matériaux génétiques d’un individu à un autre. Chaque bactérie, à n’importe quel moment, dispose de gènes accessoires, provenant de lignées parfois très éloignées, qui remplissent des fonctions que son propre ADN ne peut pas satisfaire. Certains de ces matériaux génétiques se recombinent aux gènes de la cellule native ; d’autres sont à nouveau transmis. Dans certains cas, ils peuvent aussi s’introduire rapidement dans l’appareil génétique de cellules eucaryotes (comme les nôtres).

Ces échanges constituent le répertoire classique des procaryotes. Cependant, même aujourd’hui, de nombreux bactériologistes ne saisissent pas pleinement leur signification : du fait de ce mécanisme, toutes les bactéries du monde ont accès à un capital génétique unique, et à travers celui-ci, elles peuvent bénéficier des mécanismes d’adaptation de tout le règne bactérien. Le rythme des recombinaisons est bien supérieur à celui des mutations : il faudrait des millions d’années aux organismes eucaryotes pour s’ajuster à un changement à l’échelle mondiale auquel les bactéries peuvent s’accommoder en quelques années. En s’adaptant constamment et rapidement aux conditions de l’environnement, les organismes du microcosme soutiennent l’ensemble des êtres vivants par leur réseau mondial d’échanges qui, en fin de compte, affecte tout animal et toute plante vivant sur Terre. Les êtres humains commencent tout juste à apprendre ces techniques de génie génétique, par lesquelles ils fabriquent des substances biochimiques en introduisant des gènes étrangers dans des cellules en cours de reproduction. Mais les procaryotes se servent de ces techniques « nouvelles » depuis des milliards d’années. Le superorganisme mondial que forment les bactéries par leur communication et leur coopération a ainsi rendu la planète fertile et habitable pour des formes de vie plus grandes.

Malgré leur grande portée, les mutations et les transferts génétiques bactériens ne rendent pas compte à eux seuls de l’évolution de toutes les formes de vie peuplant aujourd’hui la Terre. Une des découvertes les plus stimulantes de la microbiologie moderne, qui provient de l’observation des mitochondries – ces minuscules inclusions enveloppées dans une membrane qui se retrouvent pareillement dans les cellules des animaux, des plantes, des champignons et des protistes –, suggère l’existence d’une troisième voie de changement. Bien qu’elles se trouvent à l’extérieur du noyau des cellules d’aujourd’hui, les mitochondries possèdent leurs propres gènes composés d’ADN. À la différence des cellules dans lesquelles elles résident, les mitochondries se reproduisent par simple division, et elles se reproduisent à d’autres moments que le reste de la cellule. Sans les mitochondries, la cellule nucléée – et, par voie de conséquence, la plante ou l’animal – ne peut pas utiliser l’oxygène, et ne peut donc pas vivre.

Les spéculations qui suivirent cette découverte conduisirent les biologistes à un scénario étonnant : les descendants des bactéries qui nageaient dans les mers primitives et respiraient de l’oxygène il y a 3 milliards d’années existent aujourd’hui dans nos corps sous la forme de mitochondries. À une époque reculée, les bactéries se combinèrent avec d’autres micro-organismes. Elles s’installèrent à l’intérieur, fournissant de l’énergie tirée de l’oxygène et s’occupant d’éliminer les déchets, en échange du gîte et du couvert. Les organismes qui avaient fusionné évoluèrent vers des formes de vie plus complexes qui respirèrent l’oxygène. Là réside donc un mécanisme évolutionnaire plus soudain que la mutation : une alliance symbiotique qui devient permanente. En créant des organismes qui ne sont pas simplement la somme de leurs parties, mais quelque chose de plus proche de la somme de toutes les combinaisons possibles de ces parties, de telles alliances entraînent les êtres en développement vers des domaines encore inexplorés. La symbiose, la fusion des organismes en de nouveaux êtres collectifs, s’avère être un puissant facteur de changement sur Terre2.

Si nous nous examinons comme le produit de milliards d’années de symbiose, la preuve de notre ascendance multimicrobienne devient incontournable. Nos corps contiennent une véritable histoire de la vie sur la Terre. Nos cellules maintiennent un environnement riche en carbone et en hydrogène, comme celui de la planète au début de la vie. Elles vivent dans un milieu composé d’eau et de sels exactement comme les mers primitives. Nous sommes devenus ce que nous sommes par la réunion de partenaires bactériens dans un environnement aqueux. Bien que les moteurs de l’évolution, l’ADN, le transfert de gènes et la symbiose, n’aient été découverts que près d’un siècle après sa mort en 1882, Darwin avait eu la perspicacité d’écrire : « Nous ne pouvons sonder la complexité merveilleuse d’un être organisé, complexité qui est loin d’être diminuée par notre hypothèse. Il faut considérer chaque être vivant comme un microcosme – un petit univers, composé d’une foule d’organismes aptes à se reproduire par eux-mêmes, d’une petitesse inconcevable, et aussi nombreux que les étoiles du firmament3.  » L’étrange nature de ce petit univers constitue tout le sujet du présent livre.

couverture du livre microcosmos

La structure détaillée de nos cellules trahit les secrets de leurs ancêtres. Les images au microscope électronique des cellules nerveuses de tous les animaux révèlent de nombreux et manifestes « microtubules ». Les cils mobiles des cellules qui tapissent la gorge et le fouet des spermatozoïdes humains présentent le même arrangement peu courant de microtubules, semblable à un cadran téléphonique, et que l’on retrouve dans les cils des ciliés, un groupe prospère de microbes comprenant plus de 8000 espèces différentes. Ces mêmes microtubules apparaissent dans toutes les cellules des plantes, des animaux et des champignons chaque fois que les cellules se divisent. Les microtubules des cellules en cours de division sont constitués de protéines identiques à celles que l’on trouve dans les cellules du cerveau ; ces protéines sont excessivement semblables à certaines de celles rencontrées dans des bactéries très rapides qui ont une forme de tire-bouchon. Pourquoi ? Cela reste une énigme.

Ces exemples, et quelques autres, de reliques vivantes de ce qui fut autrefois des individus séparés, que les chercheurs ont détectés chez une grande variété d’espèces, renforcent de plus en plus la certitude que tous les organismes observables ont évolué par symbiose, c’est-à-dire par groupement conduisant à l’interdépendance physique et au partage permanent des cellules et des corps. Bien que, comme nous le verrons, certains détails de l’origine bactérienne des mitochondries, des microtubules et d’autres parties de la cellule soient difficiles à expliquer, il existe un large consensus parmi les scientifiques ayant étudié les modes de vie du microcosme, quant à la façon dont l’évolution fonctionne par symbiose.

Le processus symbiotique ne connaît pas d’interruption. Nous, organismes du macrocosme, continuons d’interagir avec le microcosme et de dépendre de lui, tout comme nous dépendons les uns des autres. Les plantes de certaines familles (comme celle des légumineuses, qui inclut les pois, les haricots et leurs parents comme le trèfle et la vesce) ne peuvent pas vivre dans un sol pauvre en azote sans les bactéries fixatrices d’azote qui vivent dans les nodules de leurs racines, et le macrocosme ne pourrait pas vivre sans l’azote que rejettent ces plantes. Ni les vaches ni les termites ne sont capables de digérer la cellulose de l’herbe et du bois sans les communautés de microbes qui habitent dans leurs intestins. 10 % de notre masse corporelle sèche est composée de bactéries, dont certaines, qui ne sont pourtant pas congénitales, sont indispensables à notre survie. Une telle coexistence n’est pas une bizarrerie de la nature : c’est l’étoffe même de l’évolution. Sous son effet, les micro-organismes qui fabriquent la vitamine B12 dans nos intestins pourraient bien faire partie intégrante de nos propres cellules d’ici quelques millions d’années. Un agrégat de cellules spécialisées peut devenir un organe. L’union de bactéries autrefois mortelles avec des amibes, créant avec le temps une nouvelle espèce d’amibe, a été observée en laboratoire.

Cette révolution dans l’étude du microcosme porte à notre regard une perspective époustouflante. Il n’est pas absurde de postuler que la conscience même qui nous permet d’explorer les accomplissements de nos cellules naquit peut-être de la concertation de millions de microbes qui mirent leurs facultés en commun et évoluèrent pour devenir le cerveau humain. Cette conscience nous conduit aujourd’hui à bricoler avec l’ADN, et nous commençons à puiser dans les ressources offertes par le procédé très ancien du transfert de gènes. Notre capacité à fabriquer de nouvelles formes de vie peut être vue comme une nouvelle façon, pour la mémoire organique (c’est-à-dire le souvenir et l’activation du passé dans le présent), de gagner en intensité. La vie a créé une boucle auto-référentielle géante, dans laquelle les changements de l’ADN ont conduit à l’émergence de la conscience qui, à son tour, nous permet de changer l’ADN. Notre curiosité, notre soif de connaître, notre enthousiasme à partir dans l’espace, à nous disséminer, nos sondes parties vers d’autres planètes et au-delà représentent une des stratégies les plus avancées d’expansion de la vie, qui débuta dans le microcosme il y a quelque 3,5 milliards d’années. Nous ne sommes que le reflet d’une tendance très ancienne.

Depuis la première bactérie jusqu’à aujourd’hui, des myriades d’organismes formés symbiotiquement ont vécu et sont morts. Mais le dénominateur commun microbien reste inchangé dans son essence. Notre ADN dérive, à travers une séquence ininterrompue, des mêmes molécules que les plus anciennes cellules qui se formèrent sur les bords des premiers océans, chauds et peu profonds. Nos corps, comme ceux de toute vie, préservent l’environnement de la Terre primitive. Nous coexistons avec les microbes d’aujourd’hui et abritons les restes des autres, symbiotiquement intégrés à l’intérieur de nos cellules. Ainsi le microcosme vit en nous, et nous en lui.

Certains lecteurs trouveront que cette notion est déroutante et dérangeante. Outre qu’elle dégonfle la baudruche de notre présomptueuse supériorité sur le reste de la nature, cette vision défie nos idées d’individualité, d’unicité et d’indépendance. Elle viole même notre conception de nous-mêmes comme des êtres distincts, séparés du reste de la nature. Penser que nous-mêmes et notre environnement sommes une mosaïque de vie microscopique en pleine évolution peut donner le sentiment d’une dépossession de nous-mêmes, d’une dissolution, voire d’une annihilation. Les conclusions philosophiques auxquelles nous parviendrons plus loin sont encore plus perturbantes : la possibilité que des organismes sans intelligence exercent un contrôle cybernétique sur la surface de la Terre remet en question le caractère prétendument unique de la conscience et de l’intelligence humaines.

Paradoxalement, en magnifiant le microcosme pour trouver nos origines, nous pouvons pleinement mesurer le triomphe, tout autant que l’insignifiance de l’individu. La plus petite unité de vie – une cellule bactérienne isolée – est un monument de réseaux et de processus sans rival dans l’univers tel que nous le connaissons. Chaque individu qui grandit, double de volume, puis se reproduit constitue un exemple de réussite. Cependant, de la même manière que le succès d’un individu est immergé dans celui de son espèce, celui de l’espèce est immergé dans le réseau global de la vie – succès d’un tout autre ordre de grandeur.

Il est tentant, même pour des scientifiques, de se laisser exalter par les cas exceptionnels. Des disciples de Darwin aux ingénieurs généticiens d’aujourd’hui, la science a vulgarisé l’idée que les humains représentent le barreau le plus élevé de l’« échelle » de l’évolution et que la technologie nous a fait quitter le cadre de l’évolution. Certains savants éminents et exigeants, comme Francis Crick dans son livre La vie vient de l’espace, ont écrit que la vie en général et la conscience humaine en particulier sont si miraculeuses qu’elles n’ont pas pu être d’origine terrestre, mais ont dû naître ailleurs dans l’univers4. D’autres pensent encore que les humains sont les enfants d’une « intelligence supérieure », d’un patriarche divin.

Ce livre a été écrit pour montrer que ces points de vue sous-estiment la Terre et la nature. Rien ne prouve que les êtres humains soient les régisseurs suprêmes de la vie sur Terre, ni les descendants d’une source extraterrestre super intelligente. Mais les preuves existent qu’ils sont des recombinaisons de puissantes communautés bactériennes qui ont une histoire vieille de plusieurs milliards d’années. Nous faisons partie d’un réseau dense qui remonte à la prise de possession de la Terre par les bactéries. Les pouvoirs de notre intelligence et de notre technologie ne nous appartiennent pas en propre, ils appartiennent à toute la vie. Comme l’évolution laisse rarement de côté des attributs qui s’avèrent utiles, il est vraisemblable que nos pouvoirs, qui dérivent du microcosme, perdureront dans le microcosme. L’intelligence et la technologie, que l’humanité a couvées, sont en réalité la propriété du microcosme. Dans l’avenir, elles pourraient bien survivre à notre espèce sous des formes qui défient notre imagination limitée.

Notes

  1. Les eucaryotes comprennent les règnes bien connus des animaux et des végétaux, et ceux moins connus des champignons et des protoctistes. Le terme non officiel de protistes se réfère aux microbes, souvent unicellulaires, membres du règne Protoctistae. Ils comprennent les amibes, les ciliés, les parasites malariens (et en général les protozoaires), les diatomées, les algues marines (et les algues en général), les myxomycètes et les moisissures aquatiques, les parasites plasmodiaux des plantes et bien d’autres organismes méconnus non inclus dans les autres règnes. Les biologistes estiment qu’il existe aujourd’hui près de 200000 espèces de protoctistes, groupées en cinq phylums. Les trois autres règnes eucaryotes, dans l’ordre de leur évolution, sont : Animalia (animaux : qui se développent à partir d’un embryon se formant après la fusion d’un spermatozoïde et d’un ovule), Fungi (moisissures, champignons, levures, rouilles, etc. qui se développent à partir de spores) ; et Plantae (mousses, hépatiques, fougères et plantes portant des cônes ou des fleurs qui se développent à partir d’embryons entourés d’un tissu maternel). Le cinquième règne du vivant, et celui qui a évolué le premier, est le règne Prokaryota, composé entièrement de bactéries (procaryotes). (Les différents noms attribués aux bactéries – monères, procaryotes, eubactéries, etc. – viennent des différentes disciplines scientifiques qui les ont étudiées. L’histoire naturelle, la botanique, la microbiologie, la médecine, l’agriculture et la zoologie ont conservé des traditions extrêmement diverses pour identifier, nommer et classer les microbes.) Le terme microbe n’a pas de spécification particulière en taxonomie ou dans l’évolution, il équivaut à « micro-organisme », et désigne essentiellement un organisme qui n’est visible qu’au microscope. Tous les procaryotes et de nombreux organismes eucaryotes, comme les protistes et certains champignons, sont aussi des microbes en ce sens qu’ils ne sont pas visibles à l’œil nu. Comme « microbe » et « micro-organisme » sont des termes synonymes, nous préfèrerons dans ce livre le terme de microbe, qui a une connotation plus biologique et moins médicale.[]
  2. Pour une discussion générale sur les catégories et les propriétés principales du vivant, voir L. Margulis et D. Sagan, What is Life?, New York, Simon & Schuster, 1995. Pour un traitement plus technique des taxinomies, voir L. Margulis et K.V. Schwartz, Five Kingdoms, New York, W.H. Freeman, 1997. Certains biologistes ne croient toujours pas à l’origine symbiotique des mitochondries, des chloroplastes et d’autres organites eucaryotes. Cependant, ils représentent de plus en plus une minorité. On peut espérer que le poids des preuves présentées dans ce livre convaincra les biologistes – et tous les autres – de la nécessité de voir la vie comme un phénomène symbiotique. Pour un compte-rendu spécialisé des débuts de l’évolution, voir Lynn Margulis, Symbiosis in Cell Evolution, San Francisco, W. H. Freeman, 1981. En français, voir L. Margulis et D. Sagan, « L’origine des cellules eucaryotes », La Recherche, no  163, février 1985.[]
  3. Charles Darwin, De la variation des animaux et des plantes sous l’action de la domestication, vol. 2, Paris, C. Reinwald, 1868 (trad. J.-J. Moulinié), p. 431.[]
  4. Francis Crick, La vie vient de l’espace, Paris, Hachette, 1982 (trad. René Bernex).[]