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Bonnes feuilles extraites de : Starhawk, Chroniques altermondialistes. Tisser la toile du soulèvement global, Editions Cambourakis, Collection Sorcières, mai 2016 1.

À l’occasion du sommet des Amériques de 2001, lieu des pourparlers de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA), plus de 50 000 personnes issues d’ONG, de syndicats, des milieux autonomes, altermondialistes, féministes, communistes et étudiants ont convergé vers Québec. Dans le texte qui suit, l’activiste, autrice et sorcière néo-païenne Starhawk s’interroge sur la possibilité de faire vivre une diversité des tactiques.

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Le retour a été difficile après Québec. Pour preuve, presque deux mois plus tard, j’ai toujours la carte dans mon sac à dos. En partie, c’était de l’épuisement, les résidus des gaz lacrymogènes et le sentiment d’avoir traversé une bataille dans une guerre dont la plupart de mes voisin·e·s sont totalement inconscient·e·s. Mais plus profondément, j’ai le sentiment que quelque chose a été libéré dans cette bataille qu’on ne pourra faire revenir en arrière, que sous le chaos, la confusion, les différences réelles entre nous et le danger dans lequel nous nous trouvions, il y avait quelque chose de si tendre, exubérant et sauvage que je ne veux pas que cela s’échappe. Quelque chose qui a un parfum, un goût et une texture proches du monde pour lequel je me bats. 

Comment nous avons atteint cette sensation de douce unité dans la rue, c’est pour moi un mystère. Dans le feu de l’action, on avait souvent l’impression que chacun des groupes impliqués était occupé soit à désapprouver énergiquement un groupe ou un autre, soit à ignorer leur existence. Les conflits concernaient surtout des points de tactique, en particulier la question de la non-violence. À Québec, pour la première fois en Amérique du Nord depuis Seattle, une action directe de masse contre la globalisation a été organisée par des groupes qui s’étaient mis d’accord sur une « diversité des tactiques » plutôt que sur une ligne de conduite clairement non-violente. 

J’admets que lorsque je me suis jointe aux préparatifs de l’action j’étais mal à l’aise par rapport au concept de « diversité des tactiques ». J’ai cinquante ans ; je suis une anarchiste et une activiste depuis le lycée, à l’époque des combats de rue des années 1960. Je me suis aussi faite l’avocate de la non-violence depuis de nombreuses, nombreuses années, en partie à cause de mon expérience durant les années 1960 et 1970, quand des groupes militants, souvent à dominante masculine, sont passés à l’action clandestine, sont devenus sectaires et ont pratiqué une lutte armée qui a laissé leur base de soutien loin en arrière. J’ai vécu les groupes d’action directe non-violente des années 1980, avec leur pratique des processus féministes et des structures non hiérarchiques, comme bien plus émancipateurs (empowering), efficaces et libérateurs. 

Ma crainte quant à la « diversité des tactiques » était que cela laisse le champ libre à des personnes qui feraient des choses que je trouve stupides et erronées. Ceci, dans les faits, s’est en partie vérifié – du moins, des personnes ont bel et bien fait des choses avec lesquelles je n’aurais jamais été d’accord. Mais ce qui m’a surprise, c’est que cela n’a pas eu l’importance que je pensais. 

Je pensais que les personnes ne se joindraient à une action de masse que si elle avait une ligne de conduite clairement non-violente. Or les personnes sont venues à Québec sans avoir besoin de ça. Je pensais qu’un haut degré de confrontation nous ferait perdre le soutien populaire, mais nous avons reçu le plus puissant des soutiens jamais reçus de la part des habitant·e·s, dont beaucoup nous ont rejoint·e·s ou ont ouvert leurs maisons pour nous donner de l’eau, de la nourriture et le libre accès aux toilettes. Je pensais que les personnes sans expérience de l’action directe seraient terrifiées par le niveau de conflit que nous avons connu. Or notre grappe comprenait beaucoup de personnes qui n’avaient jamais auparavant participé à une action. Oui, le premier jour, certaines étaient terrifiées. Mais le deuxième jour, elles étaient plus nombreuses à être prêtes à se rendre jusqu’au mur. Au troisième jour, elles demandaient de meilleurs masques à gaz pour l’assaut suivant. 

Il y a une éthique et une stratégie de la non-violence claires et faciles à comprendre : c’est que la violence génère la violence, que si nous recourons à la violence nous devenons ce contre quoi nous nous battons, et qu’un mouvement non-violent bénéficiera d’un soutien populaire plus grand, nous apportera une légitimité, augmentera les contrastes entre notre mouvement et ce à quoi nous nous opposons et peut-être même convaincra nos opposants. 

C’est un ensemble de valeurs puissantes et persuasives auxquelles je me suis tenue durant des années. Mais ce ne sont pas les seules valeurs pour lesquelles j’ai de la sympathie. Certain·e·s avocat·e·s de la non-violence prennent dans toute discussion une position de supériorité morale et considèrent comme non éthiques celles et ceux qui ne sont pas d’accord avec elles et eux. À Québec, la « diversité des tactiques » a signifié respecter le fait que celles et ceux qui utilisent d’autres tactiques ne le font pas par manque de principes mais selon leurs propres conceptions politiques et leurs propres valeurs. 

Une lutte hautement conflictuelle a ses propres principes : un haut degré de confrontation est approprié dans les situations auxquelles nous faisons face aujourd’hui ; les personnes ont le droit et la responsabilité de se défendre contre la violence policière ; beaucoup de personnes sont déjà en colère et ne prétendent pas à la sainteté, et un mouvement politique a besoin d’espace pour exprimer cette rage ; l’autodéfense active peut donner de la puissance d’agir (empowerment) et pourrait même gagner de nouvelles personnes à notre cause ; pour mettre à bas un système économique et politique qui vénère la propriété, la propriété doit être attaquée. 

Et il y a aussi derrière la « diversité des tactiques » une éthique que l’expression n’évoque pas en elle-même : les personnes devraient être libres de faire leurs propres choix ; un mouvement non autoritaire ne dit pas aux personnes ce qu’elles doivent faire ; et nous devrions afficher notre solidarité même avec les personnes dont nous ne partageons pas les choix. 

Je ne peux rendre justice à chacune des positions en quelques phrases, et elles ne représentent en aucun cas l’ensemble des débats dans le mouvement, particulièrement quand il se déplace au-delà de l’Amérique du Nord, avec nos cultures et nos histoires politiques particulières. Mais je pense que ça vaut la peine d’essayer d’articuler ce qu’elles sont. Les débats ont continué depuis Québec. Certain·e·s proclament désormais que la « diversité des tactiques » est le nouveau mot de passe, alors que d’autres nous appellent à revenir à une non- violence à la Gandhi. 

Mon sentiment est que beaucoup de celles et ceux qui sont venu·e·s à Québec désiraient quelque chose qui n’était complètement décrit ni par la « non-violence » telle qu’elle est pratiquée en général ni par la « diversité des tactiques ». Je parle de ces personnes qui savent qu’il n’existe pas de définition gravée dans le marbre de ce qui constitue la violence, ou le bien et le mal. Qui veulent une action réelle, pas juste symbolique, mais ne résument pas cela à jeter des pierres à des policiers antiémeute armés jusqu’aux dents. Qui comprennent qu’une action efficace signifie que nous allons faire face à un degré plus élevé de confrontation et de répression mais qui, s’ils en ont le choix, préféreraient faire diminuer la violence policière plutôt que l’augmenter. Qui voulaient voir s’écrouler le mur et applaudissaient quand les grenades lacrymogènes étaient rejetées vers les rangs de la police mais qui savent aussi que nous sommes en danger à chaque fois que nous déshumanisons un autre groupe de personnes, même des flics. Qui ne veulent pas nécessairement chanter « Nous sommes le gentil peuple en colère » et tendre des fleurs à ces chers policiers, mais qui veulent se souvenir que sous leurs costumes de Dark Vador, les flics sont des êtres humains qui sont capables de changer et dont les intérêts de classe sont en fait plus de notre côté que de celui de nos adversaires. Et qui croient que quel que soit le comportement des flics pour l’instant, leur mettre le feu, à eux ou à n’importe quel être humain, c’est faire fausse route. Ce sont des personnes prêtes à risquer une arrestation ou une blessure si nécessaire, mais qui préfèrent réussir une action et s’en tirer plutôt qu’aller en prison ou devenir des martyr·e·s. Qui ne considèrent pas la souffrance comme porteuse de transformations, mais souffriront volontiers si c’est ce qu’il faut pour changer ce système. Qui agiront solidairement avec d’autres avec lesquel·le·s ils et elles sont peut-être en désaccord plutôt que les laisser souffrir seul·e·s. Qui veulent mettre sur pied des actions qui soient puissantes, visionnaires, créatives et émancipatrices (empowering). Et à Québec, de telles actions ont été nombreuses, par moments, par interludes, par grappes, depuis la brèche dans le mur jusqu’à notre grappe de la Rivière dansant en spirale au milieu des gaz lacrymogènes. 

Je ne suggère pas un juste milieu entre les tenants de Gandhi et le black bloc. Je dis juste que nous avançons sur un terrain qui n’a pas été cartographié, que nous créons une politique qui n’a pas encore été définie. Et pour ce faire, il serait peut-être temps de laisser Martin et Malcolm débattre ensemble autour de la table du dîner, en compagnie d’Emma, de Karl, de Léon et tou·te·s les autres, et de sortir dans l’air frais de la nuit. 

Le débat autour de la « violence » et de la « non-violence » peut en lui-même restreindre et étouffer notre pensée. D’un point de vue magique, le terme de « non-violence » ne fonctionne pas bien. N’importe quelle sorcière novice apprend qu’on ne peut jeter un sort à partir de ce qu’on ne désire pas : les ressorts profonds de nos esprits ne sont pas très sensibles au concept de « non ». Si vous dites à votre chien : « Médor, je ne peux pas t’emmener en promenade », Médor entend « promenade » et court vers la porte. Si nous disons « non- violence », nous sommes toujours en train de penser en termes de violence. 

Je suis assez vieille pour avoir vu beaucoup de révolutions échouer ou partir dans une mauvaise direction. En fait, oser même prononcer le mot « révolution » pour une personne de ma génération, c’est comme quelqu’un.e qui aurait été vraiment très profondément blessé·e dans une histoire d’amour et qui oserait se risquer à aimer à nouveau. Je prends volontiers ce risque : le risque qu’on me laisse tomber, de perdre mes illusions, d’être trahie et calomniée, de même que le risque permanent d’être emprisonnée, gazée, tabassée, jetée par terre ou piétinée dans la rue – mais pas pour un simple changement d’identité de ceux qui détiennent les pouvoirs dans ce système. Je veux une révolution qui change la manière même dont le pouvoir est structuré et perçu, qui mette au défi tous les systèmes de domination et de contrôle, qui nourrisse la puissance d’agir (empowerment) de chaque individu·e ainsi que le pouvoir collectif que nous pouvons exercer quand nous agissons ensemble, solidairement. Comme le signale un rédacteur ou une rédactrice anonyme sur le site anarchiste CrimethInc, « la révolution n’est pas un moment unique, qui viendra un jour… c’est un processus en cours à chaque instant, en chaque lieu, partout où se produit une lutte entre le pouvoir hiérarchique et la liberté humaine ». 

Je n’ai pas encore de nom accrocheur pour cette approche de la lutte politique. Faute de mieux, je l’ai appelée « action directe libérée » (empowered direct action). Et c’est déjà en train d’évoluer dans notre mouvement. 

Le but d’une « action directe libérée » est de faire sentir aux personnes qu’un monde meilleur est possible, qu’elles peuvent faire quelque chose pour le faire exister et qu’elles sont des compagnes et des compagnons de valeur dans cette lutte. Et donc, faire naître ce monde dans la lutte elle-même, être la révolution, donner corps à ce que nous voulons créer, le préfigurer. Une « action directe libérée » ne se borne pas à rejeter ou à limiter certaines tactiques ; elle recherche, de façon active et créative, des actions qui préfigurent le monde que nous voulons créer, qui lui donnent corps. Elle emploie des symboles à bon escient mais elle est plus que symbolique : elle fait obstacle à des opérations d’oppression et propose des alternatives porteuses de confrontation. Une « action directe libérée » signifie donner puissance à la radicalité de notre imagination et revendiquer l’espace nécessaire pour faire exister nos visions : c’est la magie définie comme « l’art de changer la conscience à volonté ». Elle défie la structure même du pouvoir et s’oppose à toutes les formes de domination et à tous les systèmes de contrôle. Elle sape la légitimité des institutions de contrôle en donnant corps à la liberté, à la démocratie directe, à la solidarité et au respect de la diversité dans nos organisations et nos actions. Et elle commence par la clarté des intentions, avant même d’évoquer la diversité des tactiques. Ce qui signifie qu’avant de décider quelle tactique adopter il nous faut savoir ce que nous essayons de faire.

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Ce que nous essayons de faire

– Amener les personnes à croire qu’un monde meilleur est possible, qu’elles peuvent faire quelque chose pour le faire exister, et que c’est avec de drôles de zèbres dans notre genre qu’elles veulent le faire. Construire le mouvement. 

– Miner la légitimité des institutions du capitalisme global. Mettre au jour leur hypocrisie et leurs mensonges. Rendre visible la violence inhérente à leurs structures et à leurs politiques. Interférer avec leur capacité à fonctionner. Lier les questions globales aux questions locales et renforcer et soutenir la mise sur pied d’organisations locales. Proposer des alternatives qui soient créatives, attrayantes et salubres. Augmenter le contraste entre notre vision et les leurs. 

– Revendiquer de l’espace en dehors de la réalité logoïsée, marchandisée et colonisée par les médias – que ce soit Reclaim The Streets se réappropriant l’espace public, les Sorcières créant un espace rituel au milieu de la bataille, les zapatistes établissant des enclaves au Chiapas, les collectifs de défense des forêts revendiquant une forêt vieille comme le monde, Ya Basta ! s’enfonçant dans les lignes de la police sans attaquer, le MST au Brésil relogeant des familles sur des terres laissées à l’abandon, les manifestant·e·s mettant à bas le mur à Québec, les antipubs, les interventions sur les panneaux publicitaires, la descente des drapeaux ou les milliers d’autres manières créatives que nous inventons pour cela. 

– Encourager la désertion tant au cœur des institutions financières et industrielles que parmi ceux qui sont appelés à faire leur sale travail, comme la police et l’armée qui agissent contre leurs propres intérêts de classe quand ils nous répriment. 

– Créer la société alternative. Vivre la révolution. Construire les réseaux de soutien dont nous avons besoin en tant que mouvement et en tant que communautés locales, afin de mener cette lutte tout en commençant à explorer des façons justes et durables de nous nourrir, nous loger, nous habiller, nous abriter, prendre soin de nous et nous activer.

Ce à quoi pourrait ressembler une action directe libérée

– Nous commencerions non pas par débattre des tactiques mais par clarifier nos intentions. À quoi ressemblerait la victoire ? Visons-nous des gains politiques, la délégitimisation des institutions ? Ou ce que nous voulons est-il plutôt l’interruption de la réunion ou sa perturbation ? Quelle est l’importance d’une victoire tactique pour la victoire politique ? Existe-t-il une possibilité d’inspirer la dissension dans les rangs de nos adversaires ? (La dissidence à l’intérieur de l’armée a été un facteur déterminant dans la fin de la guerre au Vietnam, par exemple.) Existe-t-il des manières de donner corps à une alternative dans le moment même de la protestation ? Comment faire pour que l’action ait un impact réel, pas juste symbolique ? 

– Dans ces discussions initiales, nous chercherions à établir le dialogue parmi un spectre de groupes aussi étendu que possible, sans qu’aucune organisation ou aucun groupe ne prenne l’ascendant. Nous chercherions activement une diversité de race, de classe et de genre autant qu’une diversité de philosophies politiques. Nous comprendrions qu’il n’existe pas un seul groupe ou une seule tactique qui détienne ou définisse le mouvement, qu’il y a des moments où nous voulons nous organiser ensemble et avons besoin de faire des compromis et de négocier, et d’autres moments où nous pouvons préférer organiser des structures parallèles mais séparées. 

– Nous encouragerions la formation de grappes ou de blocs autant que de groupes d’affinité. (Je préfère « grappe » à « bloc » qui sonne plus fixe et statique.) Les grappes – regroupements de groupes d’affinité – pourraient produire leurs propres buts et tactiques à l’intérieur du cadre de l’action, se concentrant sur une question, une cible ou un type d’action spécifique. Par exemple, à Québec, le « bloc médiéval » avait apporté la catapulte. Notre grappe était devenue une Rivière vivante pour attirer l’attention sur les questions relatives à l’eau, pratiquant des tactiques de rue fluides et mobiles, et inscrivant ainsi dans l’action la Déclaration de Cochabamba

– Nous encouragerions le développement d’un spectre de cibles, tactiques et stratégies qui incluent plusieurs degrés de risque. Des tactiques de rue mobiles aussi bien que des blocages. Art, musique, danse, marionnettes, rituel, théâtre de rue, processions, parades, toutes les choses que nous faisons déjà ainsi que des choses auxquelles nous n’avons pas encore songé. Diversions et surprises. Humour. Faire ce qui est inattendu. Ne jamais être ennuyeux·ses, tièdes ou stéréotypé·e·s. Nous ferions de notre mieux pour orchestrer nos différentes approches, pour en négocier le temps, l’espace et les cibles, pour les rendre plus efficaces. 

– Nous comprendrions aussi que plus les tactiques relèvent de la confrontation, plus le message se doit d’être clair et plus nous devons être sûr·e·s que nous avons une base pour soutenir les tactiques que nous employons. 

– Nous accepterions que nous ne pouvons pas nécessairement mener nos actions en toute sécurité. Nous ne contrôlons pas la police et ses réactions ont connu une escalade, y compris contre des actions clairement non-violentes dès lors qu’elles sont plus que symboliques. Mais les personnes peuvent faire face au danger si elles sont préparées et soutenues, et les choix que nous faisons au cœur de l’action peuvent diminuer ou augmenter les risques du moment. Nous fournirions des formations et des préparations qui enseignent un spectre de réponses aux situations de crise, préparent les groupes et les grappes à agir ensemble, propagent des tactiques de rue efficaces, préparent les personnes à la prison et à des actions de solidarité et enseignent la désescalade comme outil et option, non comme impératif moral. Nous encouragerions la formation de groupes d’affinité mais développerions aussi de nombreuses autres formes de soutien. 

– Nous mettrions sur pied des réseaux permanents pour celles et ceux qui finissent en prison, qui mènent des batailles juridiques ou sont blessé·e·s, physiquement ou moralement, durant les actions. 

– Plutôt que de décréter une série de lignes de conduite disant aux personnes ce qu’il ne faut pas faire, les grappes et les groupes énonceraient leurs intentions quant à ce qu’ils veulent vraiment. Par exemple : 

« Nous mènerons cette action d’une façon qui préfigure le monde que nous voulons créer, et agirons au service de ce que nous aimons. » 

«Nous emploierons des moyens en rapport avec nos fins. » «Nous agirons avec respect envers cette communauté, ses foyers et ses entreprises, et d’une manière qui encourage tout le monde à se joindre à nous. » 

« Nous gardons ouverte la possibilité que celles et ceux qui sont aujourd’hui nos adversaires changent d’allégeance et se joignent à nous. » 

«Nous protégerons et prendrons soin les un·e·s des autres durant cette action, et agirons solidairement même avec celles et ceux dont les choix diffèrent des nôtres. »

Ou, comme le suggère Scott Weinstein, un des membres des « équipes médics » à Québec : 

« Nous allons créativement cibler les agents de la répression et du capitalisme – et faire en sorte que nos tactiques ne mettent pas en danger nos sœurs et frères activistes. Nous allons tenter de défendre nos espaces tels que le Centre de convergence et son voisinage de toute prise ou destruction par la police. Nous sommes des guerriers pour la justice globale – et notre plus grande arme est notre solidarité les un·e·s envers les autres et envers la planète. Et donc cette action ne prendra fin que quand chacun.e d’entre nous sera en sécurité hors de prison (et que la planète sera libérée). »

Par de nombreux aspects, Québec a donné corps à ces idées. Mais ce qui n’est pas tout à fait arrivé à Québec est ce dont beaucoup d’entre nous rêvaient : des foules de personnes envahissant le mur, le mettant à bas en de si nombreux endroits simultanément qu’il serait devenu impossible de le défendre efficacement, ces foules affluant dans la zone autour du Centre des Congrès et stoppant complètement la réunion. Ce qui est si frustrant a posteriori, c’est le sentiment que cela aurait pu advenir – qu’avec juste un petit peu plus de coordination, un petit peu plus de confiance et un petit peu moins de peur de la part de tout le monde, nous aurions pu le faire. 

Et nous le ferons. 

(1er juillet 2001) 

  1. Également disponible sur le site du collectif Diffraction, et en anglais sur le site de Starhawk.[]