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Deuxième séance du séminaire Devenirs Terrestres, Mercredi 12 janvier 2022, 17h30-20h30 à La Parole Errante (9 rue François Debergue 93100 Montreuil, métro croix de Chavaux)1 – Entrée libre – Pas de visio-conférence – inscription nécessaire ici

La logique capitaliste de contrôle, de mise en équivalence et de valorisation marchande des formes de vie, par les moyens industriels et technologiques qu’elle a mis en place à cette fin, a dépossédé simultanément les terres de leurs habitant·es et les habitant·es de leurs terres. À coups répétés de bétonisation, de mises en culture et en élevage productivistes, de création de réserves naturelles excluant des peuples autochtones, le monde capitaliste n’a cessé de mettre en danger les conditions d’habitabilité des lieux et de la Terre, pour les humains et les autres vivants.

Proche de la revue Terrestres, le collectif « Reprise de terres » s’est lancé 2019 autour de l’envie d’approfondir la question de l’écologie politique par sa dimension foncière afin de penser comment, au plus près des territoires et de leurs habitant·es, il était possible de participer à enrayer la dépossession économique et le ravage écologique systémique. Composé d’habitant·es de lieux en lutte, de chercheur·euses, de militant·es et de paysan·nes, le collectif Reprise de terres s’est réparti en trois dynamiques d’enquêtes concernant respectivement l’histoire et l’avenir du foncier agricole (1), les lignes de partage entre l’usage et la protection de « milieux naturels » divers (2), et le maintien des terres urbaines nourricières et bucoliques dans les villes hors des logiques métropolitaines (3)2.

Une dynamique inter-axe autour des « reprises de savoirs » et l’idée d’essaimer des pluriversités de la Terre a aussi émergé3.

Ces enquêtes ont vocation à faire se réunir des personnes issues d’horizons différents, parfois étrangers les uns aux autres mais partageant souvent les mêmes problématiques, afin de partager et d’inventer des tactiques foncières, politiques et juridiques pour contrer l’accaparement productiviste des terres, et organiser la vie autour de communs qui prennent en compte tous les êtres qui habitent les lieux. À cette fin, des rencontres de cinq jours ont eu lieu en août dernier à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.

Nous proposons dans le cadre de cette séance de revenir sur différents enjeux propres aux trois dynamiques d’enquêtes, de restituer les discussions des rencontres et les pistes qui en ressortent afin de pouvoir les discuter avec vous. Il s’agira par exemple d’enclencher des dynamiques de reprises de terres agricoles à des fins paysannes et collectives et de sécurité sociale de l’alimentation en repensant cet ensemble de questions à travers celle de la subsistance, de réinvestir la question de la protection du monde sauvage dans ses dimensions politiques et sociales,en proposant un réensauvagement porté par des initiatives habitantes, de reprises de terres urbaines en vue d’une écologie populaire, intersectionnelle et solidaire, et d’organisation de chantiers-pluriversité à l’été 2022.

Vous l’aurez compris, le but de cette séance n’est pas simplement de vous présenter le collectif Reprises de terres, mais d’ouvrir avec vous, dans la logique des rencontres d’août, un espace et un temps de dialogue autour de quelques enthousiasmes, points de blocage ou de désamorçage, lignes de fractures ou de complicité parmi celles à partir desquelles s’est formé le collectif. Pour cette raison, nous imaginons, à l’instar des autres séances de ce séminaire, un format le plus horizontal et collégial possible.

Notes

  1. La Parole Errante Demain – Espace autogéré d’expérimentations politiques et sociales : nous avons besoin de lieux d’auto-organisation pour se rencontrer, discuter, combattre les logiques de concurrence, de privatisation, faire vivre des pratiques de solidarité, épauler les luttes en cours, rendre possible des initiatives culturelles, sociales et politiques qui dessinent une autre ville, une autre géographie que celle imposée par les politiques urbaines et la métropole du Grand Paris.[]
  2. Voir une présentation du processus Reprise de Terres et de l’événement d’août 2021 ici, voir aussi le programme des rencontres d’août téléchargeable ici[]
  3. En voici le petit texte d’invitation au débat: « Depuis quelques années des initiatives collectives visant la création de cadres alternatifs de transmission et de production des savoirs et savoir-faire (de l’enseignement supérieur) ont émergé un peu partout en France, particulièrement sur les territoires en lutte. Ces initiatives tentent de répondre à une crise de sens des institutions éducatives existantes, notamment l’enseignement supérieur, qui semblent plus que jamais déconnectées des problématiques et nécessités vitales auxquelles nous confronte la catastrophe écologique en cours et de plus en plus subordonnées aux injonctions productivistes et individualistes de l’économie capitaliste. Comment répondre à cette crise de sens et tenter de renouer les liens sociaux détruits par des années de politique néolibérale ? Quels savoirs et modes de transmission et production de ces savoirs et savoir-faire seraient mieux à même d’accompagner les écologies populaires naissantes et les luttes en faveur des reprises de terres ? Comment se réapproprier ces savoirs pour renforcer les pratiques démocratiques d’auto-organisation ? Faut-il déserter les instances éducatives existantes pour favoriser l’invention d’institutions alternatives qui soient en prise avec les territoires de vie ou faut-il au contraire rester dans les institutions existantes pour les transformer de l’intérieur et les rendre plus perméables aux mouvements sociaux ? Le but de l’atelier sur la Pluriversité de la Terre est de tenter de dépasser cette opposition en réunissant divers acteurs engagés dans la pratique et la réflexion sur des modalités alternatives de transmission et de production des savoirs : écoles liées à des territoires en lutte (école de la Terre dans le Limousin, sur la Zad de NDDL), structures et méthodes d’éducation populaire, acteurs associatifs, défenseurs des sciences citoyennes ou enseignant(e)s qui mettent en place des stratégies internes de transformation des institutions (Atecopol, appel « Le réveil écologique »)… Quels stratégies, dispositifs, espaces ou structures mettre en place pour transformer les cadres et pratiques d’enseignement ? Comment penser les rapports entre intérieur (à l’institution existante) et extérieur (les territoires de vie, les luttes sociales, etc.) ? Quels ponts créer ? Comment réinscrire la transmission et la production des savoirs et savoir-faire dans des territoires de vie et en relation à des modes de vie collectifs ? Comment réarticuler savoirs et pratiques ? « Pluriversité de la Terre » est le nom que nous donnons à l’horizon du chantier de réflexion ouvert par ces questions. Il s’agit, à travers cet atelier, de poser les premières pierres dans la construction d’un espace de transmission et de production des savoirs qui soit pluriel et articulé aux enjeux terrestres de notre temps.[]