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Après les attaques du gouvernement brésilien dirigées contre les populations indigènes du pays, un peuple guerrier gardien de la forêt Amazonienne, les Munduruku, ont rédigé un communiqué visant à mettre les choses au clair : ils sont contre l’orpaillage et l’exploitation minière sur leur territoire. Dernièrement dans les médias nationaux on a vu s’afficher quelques individus se disant les portes paroles de ce peuple. Ce sont quelques Munduruku ayant quitté depuis bien longtemps leur tribu et leur environnement et qui sont impliqués dans des activités d’orpaillage.

Cependant, les leaders ne sont pas dupes et connaissent bien ce genre de stratégies qui visent à discréditer le mouvement de lutte pour les droits territoriaux et à ouvrir ainsi les terres indigènes à des entrepreneurs sans scrupules.

Vendredi 27 septembre ils ont ainsi bloqué une rencontre qui devait avoir lieu dans la petite ville d’Itaituba (État du Pará) entre orpailleurs, députés et membres du gouvernement autour du thème de l’exploration minière dans la région. C’est à cette occasion qu’ils ont lu leur communiqué face aux représentants du gouvernement.

« Nous sommes opposés à l’orpaillage et à l’exploitation minière en Terres Indigènes »

 

COMMUNIQUÉ DU PEUPLE MUNDURUKU

« La mauvaise gouvernance du Brésil ne doit pas parler au nom du peuple Munduruku

Bolsonaro, lors de son discours à l’ONU, a dit que nous les indigènes sommes des « hommes des cavernes ». Il nous définit par ce qu’il est lui-même. Bolsonaro ne nous représente pas et ses paroles sont creuses. Nos enfants ont plus de sagesse que lui.

Nous avons réuni les caciques (hommes et femmes), guerrières, guerriers, chamanes, chanteurs et professeurs de notre peuple Munduruku du Moyen et Haut Tapajós et du Bas Teles-Pires. Nous avons discuté à propos de toutes les attaques et les menaces dirigées contre les peuples indigènes du Brésil et contre nos territoires et nos droits.

Nous apportons ici notre parole.

Nous savons que les « daydu » – nom que nous donnons aux politiciens qui nous trahissent – sont en train de créer des lois pour en finir avec la démarcation des terres indigènes. Ils veulent ouvrir nos terres à l’exploitation minière, à la construction d’usines hydroélectriques, de voies ferrées (transportant soja et maïs), de voies navigables.

Ils veulent en finir avec les peuples indigènes, en détruisant nos forêts, nos fleuves et nos lieux sacrés. Nous sommes contre l’orpaillage et l’exploitation minière en terre indigène. L’orpaillage est en train de diviser notre peuple en y introduisant de nouvelles maladies, contaminant notre peuple avec le mercure, introduisant également la drogues, l’alcool et la prostitution. Ce n’est que cupidité.

Cela impacte tous les peuples indigènes, les communautés traditionnelles comme celles de Montanha et Mangabal et particulièrement notre peuple Munduruku qui vit et protège depuis plusieurs centaines d’années les fleuves et les forêts du Tapajós. Il n’y a aucun dialogue possible autour de la destruction. Nous ne négocierons pas nos terres et nous empêcherons à toute organisation dont tel est l’objectif de pénétrer dans le Tapajós.

Certains parents aveuglés par l’éclat de l’or, sont en train de jouer le jeu des daydu, et affirment publiquement que le peuple Munduruku est favorable à l’orpaillage et à l’exploitation minière. Nous le répétons encore une fois : vos paroles sont pleines de « dapxim » – pleines de haine et de mensonges.

Ces Mundurukus assis avec vous autour de la table à Brasilia sont malades tout comme vous. Ils ont laissé les machines d’orpaillage détruire notre terre, ils ne nous représentent pas, ils ne sont pas la majorité. Aucun élu ne représente le peuple Munduruku, parce qu’ils ne font pas partie de notre politique ni de notre organisation traditionnelle. Ils ne peuvent parler d’aucun lieu sacré, ils ne peuvent pas négocier au nom du peuple Munduruku.

Nous sommes plus de 14 000 et nous disposons de notre propre mouvement de résistance et nos propres associations. Nous disposons d’un protocole de consultation que vous devez respecter en tant que loi, et en tant que droit de veto.

Aucune loi ne peut définir de quelle manière sera réalisée la consultation de chaque peuple. La convention 169 existe déjà pour définir ce qu’est la consultation préliminaire libre et consciente et notre protocole existe pour définir la manière dont elle doit être menée. Nous ne sommes consultés sur aucune de ces lois et aucun des projets que vous concevez pour le Tapajós, qui est notre maison.

Nous sommes autonomes dans notre organisation et dans nos décisions concernant notre futur, comme vous l’avez écrit dans la Constitution Fédérale de 1988 et dans la Convention 169 de l’OIT.

« Personne n’entrera pour exploiter, détruire et tout transformer en marchandises et en argent. »

Nous construisons notre qualité de vie avec le savoir des femmes, génitrices de la vie, de nos chamanes, guides spirituels, de nos guerriers, de nos leaders et aussi de nos enfants, et nous sommes prêts à mettre en pièces ces lois et ces projets qui répandent la mort.

Nous voulons vous avertir que nous sommes un peuple guerrier. Nous avons appris à nous battre avec le grand Karodaybi, dans le silence du crépuscule, et c’est pour cette raison que d’autres peuples nous nomment les fourmis de feu.    

Nous sommes prêts pour la guerre que vous nous déclarez et nous voulons vous prévenir qu’ici dans notre territoire de la Mundurukânia, occupée depuis plusieurs siècles par nos ancêtres, où nous trouvons sur tout le Tapajós des traces et des signes de Karosakaybu et Muraycoko, personne n’entrera pour exploiter, détruire et tout transformer en marchandises et en argent. Il est enfin venue l’heure pour le Gouvernement d’appliquer les lois que vous-même avez écrites et chasser les envahisseurs de nos terres. Cela fait plus de 20 ans que nous dénonçons les exploitants forestiers et les orpailleurs pariwat et nous devons toujours agir seuls.

Mais nous n’arrêterons pas et nous ne nous rendrons pas. Nous n’avons jamais perdu une guerre et nous avons déjà coupé quelques têtes d’ennemis. Serons-nous obligés de recommencer à couper des têtes? Nous savons comment agir à partir de notre propre politique et de notre organisation traditionnelle.      

 

Mouvement Munduruku Ipereg Ayu

Association des Femmes Munduruku Wakoborun

Association indigène Pariri (Moyen Tapajós)

Association Dace (Teles-Pires)

Association Wuyxaximã

Association indigène Pusuru

Assocition Kurupsare

CIMAT

Sawe »

 

Traduction : Adeline Laval, anthropologue