Blanche est la Terre
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Blanche est la Terre est un parcours initiatique mêlant récit de voyage, ethnologie, poésie, écologie et économie humaine. Il nous conte la beauté du monde. Des hauts plateaux andins aux contreforts de la vallée du Zambèze, des sociétés sans écriture aux soubresauts de la mondialisation contemporaine, l’auteur explore les ressorts de notre modernité. Il en tire une leçon : il nous faut apprendre à faire l’épreuve de notre commune humanité en refusant l’enfermement et le repli, qui nous condamnent à devenir ce que les Andins appellent des kukuchi, des morts-vivants.
Extrait de Blanche est la Terre, Paris, Seuil, 2017, avant-propos
Ce livre est le récit d’un chemin de conversion. Il s’agit plutôt, à dire vrai, d’un éveil, progressif, à la conscience de la fragilité de la vie, et à la possibilité d’une fraternité universelle soucieuse d’en préserver les équilibres et la beauté.
J’écris ce livre à la manière d’un témoignage, et d’une prière amoureuse, convaincu que les changements qui s’annoncent devront trouver des hommes et des femmes résolus, au coeur aimant, épris de vie et de beauté, déterminés à briser des chaînes qui nous tiennent aliénés et asservis à de fausses idoles. Ce livre se veut un chant pour nous donner à tous le courage d’entreprendre résolument, sans la peur d’être nus, le chemin qui nous conduira vers une nouvelle civilisation, animée par un désir de viabilité et d’une authentique liberté, plus que d’accumulation et de jouissances factices.
J’écris ce livre comme on apporte, au col, sa pierre pour l’y déposer sur un cairn. Un récit d’éveils et d’émerveillements, mais aussi de fatigues. Mon sac est lourd des pierres du chemin et je veux en tirer un modeste édifice, une tourelle disposée bien en vue, et qui fait signe. Ne sommes-nous pas tous des pèlerins ? Nous détenons chacun une part de l’expérience universelle dont naissent les vérités. Il me semble que ce n’est qu’en frottant nos vies les unes aux autres, au moyen, entre autres, de l’écriture, que nous pourrons raviver l’étincelle d’une utopie fraternelle.
D’utopie nous avons besoin, comme d’un lendemain, alors que partout autour de nous se multiplient les crépuscules. La civilisation agraire, issue de la révolution néolithique, et dont subsistent encore des fragments dans tous les pays du monde non encore totalement bouleversés par l’industrialisation et la mondialisation (ces pays cependant deviennent rares), se meurt sous nos yeux. J’ai observé un peu partout ces crépuscules, qui marquent la fi n d’un cycle vieux de dix mille ans : disparition des derniers échanges caravaniers et du vieux système d’assolement dans les Andes, de l’agriculture semi-itinérante au Zimbabwe ou dans les montagnes de l’archipel des Philippines, de la civilisation lacustre de So-Ava au Bénin… En Asie, en Afrique, en Amérique latine. À la place de ces systèmes anciens, une nouvelle civilisation, avant tout soucieuse d’échanges et de liquidités, s’empare de toute création afin d’en faire un produit monnayable.
Rien ne doit subsister des grumeaux de l’ancien temps. Les anciennes cultures, situées à l’intersection de la nature et de la société (cultures au double sens, agricole et spirituel), sont mises en concurrence par une force puissante qui s’arroge le droit de les dissoudre si elle ne peut en tirer des produits compétitifs. De terreaux, les voici devenues simples substrats de l’appareil de production de produits standardisés, désormais interchangeables et comme tels, consommables sur un marché mondial.
À peine éclose, cette civilisation affairée est pourtant menacée à son tour de disparition, et son agitation semble désespérée comme peuvent l’être les gestes d’un mourant. Les ressources dont elle a perpétuellement besoin, pour nourrir l’appétit des consommateurs dont elle ne cesse d’encouragerles excès et qu’elle enivre de fantasmes, s’épuisent à vue d’oeil. Les dérèglements qu’elle suscite (climatiques, démographiques, biologiques…) se succèdent à une telle vitesse qu’il n’est plus question que de parer au plus pressé, en attendant la secousse prochaine. Nous allons de tourmentes en catastrophes, et rien ne semble plus devoir nous préserver d’un effondrement global, un big collapse, qui marquerait le terme de l’expansion, continuelle depuis trois millions d’années, de l’homme et de ses productions sur notre planète.
Je me tiens sur le seuil de ces crépuscules et mon livre appelle l’aurore comme les danses de la pluie qui devaient autrefois faire venir les nuages sur les champs. Je ne suis pas un sorcier mais je discerne l’éclat des élans vitaux qui m’apparaissent, un peu partout, comme des jaillissements. « Blanche est la Terre » car nous pouvons encore y inscrire le récit d’émancipations et de réconciliations à venir. L’homme n’a pas dit son dernier mot, mais il est devenu temporairement muet : subjugué par sa propre puissance, il s’abîme dans la contemplation silencieuse de ses prouesses techniques. Il a cessé de s’adresser à ses frères et aux esprits qui peuplent la nature et qui, longtemps, étaient demeurés ses compagnons. Il gribouille la même page, qu’il surcharge de signes. Mais il ne prend pas soin d’en écrire une autre, entièrement différente, sur laquelle se lèveraient des aubes véritables et non plus, ad libidum, des soleils trompeurs, perpétuellement rougis, comme ceux des terres boréales. Ce maniaque, qui fabrique des jouets dont il se lasse immédiatement, qui multiplie les artefacts et désire ceux de son voisin, dont il se méfie comme de la peste (n’est-il pas un prédateur en puissance ?), a des allures de cadavre. Il est pâle comme le sont les kukuchi, les morts-vivants andins, dont il sera abondamment question dans ce livre. « Blanche est la Terre », lorsqu’elle a le visage des macchabées.
Blanche, comme tout malade à l’article de la mort : notre humanité est accablée d’une maladie parvenue à sa phase terminale. « Blanche » sera la valeur de notre guérison : car le blanc recèle en lui toutes les couleurs, qui surgissent lorsque la lumière est dispersée par un prisme. Ainsi de la nature et sa formidable puissance de régénérescence. La blancheur des éblouissements, comme ceux du dôme enneigé de l’ Ausangate, la montagne tutélaire des Indiens quechuaphones du Sud péruvien, qui contient dans ses flancs toutes les espèces vivantes. La profusion des formes de vie, qui réclament le droit à l’existence, est d’une clarté aveuglante. Nous devons réapprendre à regarder un tel soleil, jusqu’à distinguer les espèces, les chaînes trophiques et chimiques, les interactions qui parcourent les milieux et constituent la nature en un vaste organisme, auquel nous appartenons. « Blanche est la Terre », de la blancheur des choses pures, non pas parce qu’elles sont exemptes de souillures, mais au contraire parce qu’elles les contiennent toutes. De nos infirmités nous pouvons encore faire un ciel d’où descendront les pluies nouvelles.
Quatre scénarios de déglobalisation
Face à la déglobalisation en cours, Xavier Ricard se livre à un exercice de prospective autour de quatre scénarios, du plus hostile et productiviste conduisant à « la guerre des mondes » et à des situations pré-fascistes, au plus coopératif et démocratiquement décroissant, « l’habiter terrestre », qu’il distingue du scénario d’une pénurie subie et autoritaire ou celui d’une « transition sans fin ». Nourrie de philosophie, d’anthropologie, d’économie, la réflexion affronte la dynamique internationale du capitalisme, devenue véritable pathologie mortelle, en l’articulant intimement avec la tropicalisation du monde, ce retournement planétaire qui « tropicalise » les sociétés du Nord, l’hypermédiatisation et l’effondrement écologique. Prospective très singulière, éloignée des jeux de construction abstraits et surplombants, en ce qu’elle fait aussi place aux affects, aux perceptions sensibles, aux vulnérabilités, aux relations entre humains et autres qu’humains comme puissances donnant orientation, sens et couleurs à nos histoires, à l’histoire.
Extraits de Demain la Planète. Quatre scénarios de déglobalisation, Paris, Puf, 2021, pp. 29-32, 70 et pp. 82-85
Déglobalisation plutôt que démondialisation
Pourquoi parler de « déglobalisation » plutôt que de « démondialisation »1 ? Il n’est précisément pas ici question d’accréditer l’idée selon laquelle nous assisterions à un simple reflux, ou repli, faisant suite à plus de cinq siècles d’intégration mondiale. La déglobalisation n’est pas une « démondialisation » mais une altermondialisation.
Ce qui fait reflux, c’est une conception « globalisante », faussement optimiste, de la séquence introduite par la libéralisation des flux de marchandises et de capitaux, que j’ai ailleurs proposé de nommer « tropicalisation du monde2 ». Le cache-sexe de la tropicalisation, c’est l’utopie du « village global » dont Armand Mattelard s’est fait, dans un livre séminal, le chroniqueur sans complaisance3. Cette utopie a germé, au tournant des années 1970, dans les cerveaux féconds des dirigeants des multinationales qui avaient besoin d’un récit, épique et sublime, afin de transfigurer en projet altruiste leurs ambitions planétaires4. Le village global devint ainsi le symbole d’une globalisation aussi souriante qu’une kermesse dominicale.
L’euphorie s’est évaporée : qui songerait encore à qualifier de village global cette Terre jonchée de décombres et détritus, où l’on suffoque y compris en pleine nuit, où les rues sont dangereuses y compris en plein jour, où les voyageurs sont interpellés par des agents en armes postés à chaque carrefour, à moins qu’ils ne meurent en essayant de tromper leur vigilance ? Plus de village global, plutôt un vaste champ de mines ! Le songe de la raison globale, autrement dit celle du capitalisme tropical, enfante des monstres, et chacun porte le masque d’une déglobalisation particulière. C’est à décrire cette progéniture monstrueuse (contre-nature, inattendue, anormale) que nous consacrerons les pages qui suivent.
Parmi les scénarios de déglobalisation, il en est cependant qui répondent aux excès de l’utopie planétaire en réhabilitant tout ce que cette utopie vouait aux gémonies : le territoire, la limite, la communauté politique. Tout se passe comme si l’humanité avait dû emprunter le détour de la globalisation pour se reconnaître en tant que sujet « en soi et pour soi ». Comme s’il avait fallu en passer par les affres d’un monde de concurrences et de rapines, où ne prévaut que la règle du plus fort (la seule qui vaille pour le capitalisme tropical5), avant d’admettre que le monde puisse contenir « des mondes », que l’humanité puisse se faire la gardienne jalouse de sa propre diversité. L’humanité « en soi et pour soi », en somme : bien plus et bien autre chose qu’un vaste marché où les capitaux se volatilisent à la moindre contrariété, où l’on fait rendre gorge à son débiteur6 comme l’on se rend à la fausse évidence d’une guerre économique qui n’admet que des vainqueurs et des vaincus. Cette déglobalisation-là réhabilite l’Homme et ses affects, les relations qu’il entretient avec un nombre déterminé d’espèces vivantes, à l’échelle d’un territoire où il est amené à faire l’épreuve concrète de sa liberté.
[…]
Déglobalisation des flux, tropicalisation, hypermédiatisation et effondrement écologique : ces quatre forces motrices déterminent le cours du monde plus sûrement que les décisions politiques prises au sein des instances internationales et des gouvernements, qui se contentent d’en refléter, à un moment donné, les équilibres. Aussi les rapports que ces forces entretiennent entre elles (la façon dont elles se conjuguent ou se conjurent) donneront-ils à l’avenir son visage.
[…]
Esquisses des quatre scénarios
Scénario 1 : l’habiter terrestre.
Une déglobalisation qui serait tout à la fois coopérative et décroissante serait viable, au sens où elle aurait pour objectif d’atteindre partout la viabilité écologique, par le moyen d’une gouvernance mondiale démocratique, favorisant les coopérations de toutes sortes. Ce scénario, comme tous les autres, peut être imputé à certaines forces, courants ou positions identifiables dans les relations internationales actuelles : en l’espèce, il correspond strictement à celui envisagé par Bello dans son livre Deglobalization1. Il s’agit donc de relocaliser les productions (à des échelons pertinents, suivant le principe de subsidiarité qui accorde la priorité à la proximité géographique), d’en réduire les coûts écologiques et sociaux par divers moyens qui vont de l’incitation à la contrainte. Les coopérations régionales sont encouragées pour assurer la part d’échanges, nécessairement résiduelle, sur des bases partenariales échappant aux règles du marché.
Scénario 2 : résilients jusqu’aux dents.
Voici un scénario qui combine décroissance et hostilité. C’est le scénario qui s’est imposé par défaut à des pays comme Cuba ou la Corée du Nord : décroissance des consommations et des productions, découlant inévitablement du blocus. Les rares revenus tirés de l’exploitation et de l’exportation des ressources locales sont consacrés à la constitution d’un appareil militaire garantissant à son propriétaire l’indépendance stratégique. À Cuba, au début de la « période spéciale » ayant suivi l’effondrement de l’URSS en 1991, le régime fut contraint de se passer d’intrants chimiques pour l’agriculture (fertilisants ou pesticides) et d’adopter l’agroécologie et la « gestion intégrée des parasites » (manejo integral de plagas) pour conserver ses rendements. En dépit du discours officiel (notamment depuis l’élection de Raul Castro au poste de premier secrétaire du PC cubain en avril 2011), cette stratégie n’a malheureusement pas survécu à la centralisation excessive, qui décourage l’initiative locale et l’essor des coopératives de producteurs. Il s’agit bien d’une déglobalisation par défaut, puisque Cuba appartenait au Komintern (la troisième internationale communiste) et donc à un espace commercial international situé hors marché7.
Il est possible de décliner les deux variables de ce scénario (décroissance des consommations et hostilité) d’une tout autre manière, à l’échelon micro-local. Nous en arrivons alors au scénario survivaliste (autre variante du scénario 2), qui résulte de la décomposition de l’État, incapable de faire face aux tensions suscitées par l’effondrement du capitalisme miné par ses contradictions (croissance infinie dans un monde fini, dont les ressources ne sont pas toutes substituables, baisse tendancielle du taux de productivité horaire et du taux de profit) et par l’hostilité grandissante des opinions publiques. En l’absence de coopération ou d’entraide, les communautés locales se murent dans leurs retranchements et forment de véritables territoires fortifiés, déterminés à obtenir et conserver les rares ressources nécessaires à leur survie par tous les moyens, y compris violents. La différence entre la version cubaine et la version survivaliste de ce scénario tient à la présence ou à l’absence du politique, entendu comme domaine de l’action sociale qui surmonte les particularismes locaux (familiaux ou ethniques, géographiques) et leur substitue du commun, autrement dit une action collective fondée sur l’intérêt général que toutes les parties identifient comme tel. Il peut donc demeurer quelque chose de l’ordre de la coopération (à tout le moins au niveau national ou régional) dans ce scénario. Les acteurs renoncent toutefois à une grande stratégie internationale, contrairement à ce qui prévaut dans le scénario de l’habiter terrestre.
Scénario 3 : la guerre des mondes.
Elle découlera inévitablement de l’association entre productivisme et hostilité. La déglobalisation prend ici la forme d’une reprise en main de l’appareil productif au niveau national mais aussi international, puisqu’il faut soumettre les fournisseurs aux exigences et priorités du corps politique, qui n’existe qu’à l’échelon national et se défie de tout transfert de souveraineté à un échelon supérieur. Le nationalisme économique dont s’est réclamé Donald Trump relève de ce projet. Mais voici que la croissance des consommations entraîne nécessairement une dépendance à l’égard des voisins et de l’outremer, États souverains vis-à-vis desquels on n’a pas nécessairement prise (y compris lorsque l’on peut se prévaloir du statut d’Empire, comme c’est le cas des États-Unis). La croissance des consommations et des productions se heurte vite à une limite physique, tout autant que purement économique : la demande du marché interne se tarit à mesure que le marché est saturé, en dépit de l’obsolescence programmée des artefacts, qui impose leur renouvellement et dope artificiellement la demande. Le nationalisme économique, même intégral (s’appliquant à tous les secteurs économiques, y compris l’industrie financière), débouche tôt ou tard sur un projet impérial : Trump et Xi Jinping sont parvenus à cette conclusion puisqu’ils s’emploient, on l’a vu, à contrôler les comportements d’offre et de demande de tous les agents économiques placés sous leur tutelle. De guerre des mondes il s’agit bien : et tout comme celle imaginée jadis par H. G. Wells (où des Martiens s’emparent de l’Empire britannique dont la puissance était jusqu’alors incontestée), elle met aux prises deux belligérants emportés par la passion de l’hégémonie impériale.
Scénario 4 : l’éternelle transition.
Dans ce scénario, il n’est pas question de réduire les consommations, ni de relocaliser les économies, mais plutôt de réguler les échanges commerciaux et les flux financiers de manière à les inscrire dans un objectif de transition ordonnée vers la viabilité écologique et sociale ; en somme, d’éviter les pollutions (carbone par exemple) ou les consommations (farines animales, par exemple) inutiles, dans la mesure où celles-ci sont substituables. La transition devient alors, non pas une simple étape, mais l’objectif principal des politiques de déglobalisation. Elle risque donc de subir le même sort que, jadis, la dictature du prolétariat : de transitoire qu’elle était destinée à demeurer, celle-ci est devenue, dans toute expérience historique de la révolution socialiste, un état permanent. Ce que j’appelle ici l’« éternelle transition » n’en comporte pas moins ses champions8.
Passionné de théâtre et observateur de l’actualité de la vie et des idées, et membre du collectif de rédaction Terrestres, Xavier a contribué à plusieurs reprises à la revue. L’ensemble de ses articles sont accessibles à cette adresse : https://www.terrestres.org/author/xavierricard/.
Notes
- Selon le terme consacré depuis la traduction de l’essai de l’économiste philippin Walden Bello, Deglobalization. Ideas for a New World Economy, Zen Books, 2002[↩]
- X. Ricard Lanata, La Tropicalisation du monde. Topologie d’un retournement planétaire, Paris, Puf, 2019.[↩]
- Histoire de l’utopie planétaire. De la cité prophétique à la société globale, Paris, La Découverte, 2000[↩]
- L’expression « village global » apparaît à proprement parler pour la première fois dans un ouvrage d’un spécialiste de l’histoire des techniques, Marshall McLuhan, The Gutenberg Galaxy: The Making of Typographic Man (1962). Comme le souligne Armand Mattelard, c’est l’électricité qui lui fournit la clef d’un monde « interconnecté » (internet, déjà), rendu à l’état de « village » : « Un des aspects inédits de l’âge de l’électricité est que, en instaurant un ‘réseau global’, une ‘interdépendance globale’, il permet à la grande famille humaine de recréer l’état cohésif de la vie de village et de mettre un terme à la fragmentation » (A. Mattelard, Histoire de l’utopie planétaire…, op. cit., p. 317. IBM va devenir l’archétype de la world corporation, à tel point que l’on parlera dès 1971 en France de « l’Empire IBM ». Le village global s’est ainsi transmué en projet impérial (ibid., p. 331 sq).[↩]
- Malgré toutes les justifications idéologiques, le libre-échange a toujours été défendu par les puissances qui y avaient intérêt, y compris à coup de canonnières : voir https://jacques-ould-aoudia.net/protectionnisme-et-libre-echange/[↩]
- L’expression peut s’entendre au sens figuré ou propre : aux images des suppliciés de Daesh font pendant celles des déshérités de l’Etat-Providence grec qui s’inoculaient le virus du sida pour pouvoir bénéficier des rares prestations sociales encore versées, malgré la tutelle de la troïka (FMI, Commission européenne, BCE), aux invalides. Le capitalisme tropical admet parfaitement la nécessité de la guerre civile pour venir à bout des résistances que lui opposent les populations en « surplus ». Il peut se prévaloir d’une longue tradition d’escamotage, qui fait passer pour pacifiques (le doux commerce) des rapports sociaux fondés sur la naturalisation de la violence.[↩]
- L’île a d’ailleurs conservé des modes d’échanges en nature, avec des partenaires commerciaux solidaires qui acceptent de ne pas être payés en devises.[↩]
- Par exemple, en France, la Fondation Nicolas Hulot, qui joue de l’ambiguïté de l’expression « transition écologique et sociale » et se prononce en faveur d’une régulation commerciale qui n’entraverait pas, en principe, le développement du commerce international : « Mettre le doigt sur les limites des règles commerciales actuelles ne signifie pas vouloir mettre fin au commerce et aux échanges. C’est identifier non seulement les corrections à y apporter, mais aussi les potentiels d’une diplomatie commerciale au service de la transition écologique. […] Entre protectionnisme de rétorsion inefficace, source de guerre commerciale, et le libre-échange insuffisamment encadré qui prévaut aujourd’hui, il existe une voie alternative à inventer » (Nicolas Hulot et Philippe Frémeaux, « Édito », in Mettre le commerce au service de la transition écologique et sociale, Paris, Fondation Nicolas Hulot et Institut Veblen, 2019).[↩]