Temps de lecture : 13 minutes

C’est simple : sans votre soutien, Terrestres ne pourrait pas exister et vous ne pourriez pas lire cet article.

Aujourd'hui, nous avons besoin de 500 donateur·ices régulier·es pour pérenniser notre modèle économique. Par un don mensuel ou ponctuel, même pour quelques euros, vous nous permettez de poursuivre notre travail en toute indépendance.

Merci ❤️ !


Notes sur quelques textes récents de Jacques Rancière

Les temps modernes, Paris, La Fabrique, 2018

Les Bords de la fiction, Paris, Seuil, 2017  

En quel temps vivons-nous ?, Paris, La Fabrique, 2017

Préface à la nouvelle édition du recueil de textes de Gabriel Gauny, Le Philosophe plébéien, Paris, La Fabrique, 2017

Maintenant

Now future. Un énoncé qui résonne d’une belle manière lorsqu’il est inscrit sur des banderoles dans une « marche pour le climat ». On ne l’y entend plus comme le jeu de mot publicitaire qu’il peut être par ailleurs. Sans doute répond-il alors avant tout au No future porté par une génération rebelle il y a quelques décennies, qui avait encore le luxe de pouvoir choisir de ne pas s’intéresser au futur – de ne pas céder au chantage qui voulait que l’on soit capable de sacrifier le présent pour pouvoir être récompensés – plus tard. Mais il ne s’agit pas seulement de dire qu’il faut se soucier du futur, et s’en soucier dès maintenant. Car ce qu’indique avant tout l’énoncé Now future, c’est bien, très littéralement une conjonction paradoxale des temps : le futur est au présent, le futur est déjà là.

Il y a bien des manières de comprendre ce paradoxe. Le déjà là ne doit en tout cas pas être entendu sur le mode d’un potentiel qui sera nécessairement actualisé. C’est un tel modèle qui a pu faire croire que la société capitaliste contenait la société communiste « dans ses flancs ». Cette approche progressiste partageait avec ce qu’elle combattait la croyance en l’existence d’une nécessité historique. Or c’est précisément cette croyance qu’il s’agit tout d’abord de combattre. Et par là même, le présupposé sur lequel elle fait fond, qui est celui d’une certaine image du temps.

Il ne serait pas exagéré de dire que ce qui anime le travail de Rancière a été, depuis La Nuit des prolétaires en 1980, un tel combat. C’est en tout cas la manière dont il ressaisit lui-même, dans quelques textes récents, le sens global de son travail.

Futur

La nécessité historique, c’est donc ce qui, jadis (jusqu’à la fin des années 1970 pourrait-on estimer), devait conduire à la révolution libératrice ; aujourd’hui, c’est seulement ce qui est censé s’imposer comme loi de l’économie. Ce sont là non pas deux « idéologies », mais deux fictions, nous dit Rancière – les fictions se distinguent des idéologies en ce que leur rôle n’est pas d’occulter la réalité, mais bien de la construire. Ces deux fictions peuvent être rivales ; elles n’en partagent pas moins un même présupposé sur le temps : celui-ci est vu comme l’exposition progressive d’un contenu immanent. Or, nous dit Rancière, c’est une erreur de supposer que le temps contient quelque chose.

Il est aisé de voir à quoi correspond cette supposition dans la version progressiste ou révolutionnaire : c’est « le modèle d’un temps mû par un processus de dévoilement d’une vérité et une promesse de justice »1. La vérité, c’est par exemple celle de la condition prolétarienne, de la place et de la fonction des prolétaires dans l’Histoire mondiale ; la promesse de justice, c’est celle de leur libération.

Peut-être est-il moins aisé de le saisir dans la version réactionnaire qui l’emporte aujourd’hui, car nous nous sommes déshabitués à attendre quoi que ce soit du temps qui vient ; nous ne pouvons en particulier par prêter foi à cette promesse sur laquelle repose pourtant la légitimation des gouvernements d’Europe et d’ailleurs : la prospérité pour tous sera le résultat futur de la multiplication des mesures d’austérité qu’il faut prendre dans le présent. Cette rationalité paradoxale, nous dit Rancière, a son modèle dans la mimésis aristotélicienne : comme au théâtre, les événements ne s’enchaînent pas au hasard ; ils suivent une certaine logique, ils se déplient selon une enchaînement déterminé de causes et d’effets. Et s’il s’agit bien de mimésis, et de théâtre, c’est que les effets sont inattendus et paradoxaux : « Dans les grandes théories de la société et de l’histoire comme dans la science oraculaire à la petite semaine des politiciens, experts, journalistes ou essayistes, il s’agit toujours de développer l’enchaînement des causes qui nous mènent, nous ont menés ou nous mèneront à la fortune ou au malheur. Il s’agit toujours aussi de montrer comment ces causes produisent leurs effets en inversant les apparences et les attentes, comment la prospérité nous attend au terme des épreuves subies ou le désastre au terme des illusions de bonheur »2.

Aussi surprenants que puissent être, comme au théâtre, les rebondissements et les péripéties, la fin est déjà connue, puisqu’elle est contenue dans ce qui est donné aujourd’hui – elle en est l’aboutissement logique. La posture catastrophiste qui se répand dans certains milieux écologistes et/ou militants, n’est en ce sens que le revers du faux triomphalisme des gouvernants : ceux qui promettent la catastrophe suivent également le schème d’un temps pensé comme dévoilement d’un contenu latent, au terme d’un enchaînement inéluctable de causes et d’effets. Que cette catastrophe soit envisagée comme fin de toutes choses ou bien, conformément à l’étymologie, comme opportunité de renversement, elle est en tout cas le fruit d’un processus qui est censé emporter d’un même mouvement les dominants et ceux qui subissent les effets de leur domination.

Or, s’il s’agit bien de rejeter l’image du temps qui sous-tend ces spéculations, c’est dans la mesure où il nous faut envisager une autre histoire du temps, qui y est irréductible, celle depuis laquelle nous devons regarder ce qui arrive aujourd’hui : l’histoire de ce que Rancière appelle « l’émancipation ». Le temps de l’émancipation, ou de l’égalité, nous dit-il, est un temps spécifique : « l’histoire de l’égalité est une histoire autonome, elle n’est pas le développement des stratégies fondées sur l’analyse des transformations objectives des techniques, de l’économie, etc. mais une constellation de moments – quelques jours, quelques semaines, parfois des années – qui créent des dynamiques temporelles propres dotées de plus ou moins d’intensité et de durée »3.

Ce temps spécifique n’est pas le dévoilement progressif d’un contenu immanent, tout d’abord parce qu’il n’a rien de continu ; il est fait de moments, et ces derniers ne sont pas voués à se totaliser. Ils indiquent bien en revanche l’insistance d’une certaine expérience, et d’une capacité collective à vérifier la présupposition de l’égalité.

Notons que la présupposition égalitaire n’est pas un principe, comme une règle à laquelle je me réfère pour guider mon action, et qui a donc la forme d’un devoir-être. La présupposition renvoie à un pouvoir-être, c’est-à-dire à une capacité ; et cette capacité n’existe que si elle est activement vérifiée, mise en œuvre dans un dispositif particulier, sur une scène qui est toujours locale – c’est pourquoi, pour Rancière, il ne peut y avoir que des moments politiques.

Autres temps

Si la fiction dominante peut construire de la réalité, c’est parce qu’elle n’est pas seulement la mise en œuvre d’une certaine conception du temps, mais aussi celle d’une certaine organisation matérielle du temps – et Rancière aime à rappeler que le temps est la première des matérialités. Elle distribue notamment les temps de repos et les temps de travail. Un moment politique se caractérise par sa capacité à faire rupture dans cette organisation du temps.

Pour comprendre cela, il faut tout d’abord voir « que le temps n’est pas simplement la ligne tendue entre un passé et un futur. Il est aussi et d’abord un milieu de vie ». Or ce milieu de vie est toujours déjà marqué par une division : il distribue les humains « en deux formes de vie séparées : la forme de vie de ceux qui ont le temps et la forme de vie de ceux qui ne l’ont pas »4. Si certains, bien plus nombreux que les autres, n’ont pas le temps, c’est dans la mesure où leur vie est censée être vouée au travail. « Ce qui définit l’être-ouvrier, c’est simplement l’absence de temps. C’est cette absence, indissolublement empirique et symbolique, qui donne leur manière d’être, de sentir et de penser à ceux qui sont nés pour obéir »5. Qu’on leur ait octroyé, à ces ouvriers ou plus généralement aux gens voués au travail (ou à la recherche d’un emploi) toujours plus de loisirs et de divertissements depuis le compromis keynésien ne change rien au fond des choses : les petits suppléments de distraction, quand ils sont encore accessibles, n’empêchent pas que leur vie soit définie comme ce qui doit être essentiellement consacré à ce travail.

La première rupture avec l’ordre dominant a donc une forme simple : elle survient chaque fois que ceux qui n’ont pas le temps prennent le temps, et inventent par là même une forme nouvelle de temps. Quand ceux qui étaient voués au temps du travail et à la production découvrent le bonheur contenu dans l’oisiveté, ou dans la découverte des activités qui étaient réservées aux autres, à ceux qui ont le temps – d’écrire, de peindre, de dessiner. Depuis La Nuit des prolétaires, ce livre à tous égards matriciel, Rancière est revenu sur le geste de ceux qui se déplacent pour occuper la place qui ne leur était pas destinée : les ouvriers qui se mettent à écrire, à faire des réunions, des théories sur le vivre-ensemble, qui partent annoncer la révolution à venir, ou qui goûtent les délices d’une journée de printemps sur les bords de la Marne, prétexte à des élaborations extraordinaires et aux rêves d’un avenir transfiguré6. « Travailler sur l’émancipation ouvrière, c’est en effet rencontrer la réalité fondamentale du temps comme forme de vie » 7. Cette rencontre est avant tout celle des bouleversements dont cette forme de vie est susceptible. Et ce sont ces bouleversements qui permettent l’expérience collective de l’égalité.

Sans doute les problèmes se sont-ils compliqués depuis la fin des espérances portées par le mouvement ouvrier, mais la division centrale demeure, entre ceux qui ont le temps et ceux qui doivent le prendre pour être autre chose que ce à quoi ils sont censés s’identifier. Si le temps est compté, ce n’est pas d’abord pour Rancière au sens d’une menace qui ne pourra pas ne pas s’actualiser, et du compte à rebours qui conduit nécessairement à l’issue mortelle – ou au retournement salvateur. Le problème central du capitalisme a toujours été de faire un compte du temps : il s’est agi de le mesurer, et de pouvoir ainsi mesurer la productivité, bien sûr ; mais aussi de répartir ceux qui doivent se consacrer à une activité productive et ceux qui en sont dispensés, ou du moins qui peuvent en choisir les formes et les rythmes, précisément parce qu’ils vivent de la mise au travail des autres. Et c’est précisément cela que permet la fiction du temps qui contient quelque chose : un partage inégal des temps, et l’occultation des effets de ce partage. C’est donc au moment où ceux qui n’ont pas le temps dévient de leur trajectoire pour prendre ce temps qu’ils n’avaient pas que se révèle le plus profond des conflits politiques, qui est bien, avant tout, un « conflit des temps »8.

Le même pour tous

L’autre temps, qu’instaure un moment politique, c’est donc celui qui échappe à la simple succession des choses qui « arrivent les unes après les autres ». Mais il y a plusieurs manières d’échapper à la succession. Si la matrice aristotélicienne de la mimesis demeure féconde pour nos dominants, c’est dans la mesure où elle permet une construction du temps qui ne s’en tient pas à la simple chronique, à la simple description de ce qui arrive, à l’enregistrement de la succession des faits. Elle est une matrice parce qu’elle est une reconstruction de ce qui arrive, une reconstruction qui fait de ce qui arrive un enchaînement de causes et d’effets, et plus encore : le développement inéluctable de ce qui est donné dans les conditions objectives de la situation présente.

Quitter cette matrice, c’est proposer un autre enchaînement des moments ; c’est mettre en œuvre un « pouvoir du moment qui crée un enchaînement temporel déviant »9. Ce pouvoir du moment peut trouver son origine dans la situation la plus contrainte. Lorsque Gabriel Gauny raconte une journée de travail, il ne parle pas des gestes nécessaires pour que s’opère la production de l’objet demandé par les patrons ; il parle de ce qui fait dévier cette commande : un geste différent de la main, un regard qui dévie et fait dériver la pensée, une pensée qui survient inopinément et qui change le rythme du corps, un jeu d’affects qui fait que la servitude ressentie ou la liberté éprouvée se traduisent en gestes d’allures diverses et en enchaînements contradictoires de pensée. Ainsi se produisent toute une série d’écarts positifs avec le temps normal de la reproduction de l’être-ouvrier »10. Une fois repéré cet écart au sein même de la situation de travail, le geste déviant peut être lié à autre chose qu’à la production à laquelle il est censé être ordonné, par exemple aux journées insurrectionnelles de 1830 ou de 1848, « où le peuple des hommes “passifs” a oublié “le temps qui n’attend pas” et déserté les ateliers pour aller dans la rue affirmer leur participation à une histoire commune »9.

Le pouvoir du moment, c’est donc la possibilité de désajointer le temps, de délier un geste de ce à quoi il était ordonné et de le lier à ce avec quoi il n’était pas censé se composer. En découle un nouveau temps, qui n’est plus celui de la production, qui n’est plus celui qui se trouve soumis aux ordres des dominants. Ce nouveau temps n’est pas « un temps du rêve qui ferait oublier le temps subi ou projetterait un paradis à venir mais un temps qui se scande autrement, donne un poids différent à tel instant »11. Car l’instant qui peut originer cet autre temps, on le voit avec l’exemple de Gauny, peut être tout à fait quelconque. L’important est qu’il soit enchaîné à autre chose qu’à ce à quoi le destine la rationalité productive. « C’est un temps nouveau qui peut partir de n’importe quel point singulier à n’importe quel moment et s’étendre dans des directions imprévues en inventant à chaque pas ses propres connexions »12.

La littérature « moderne » est bien, de ce point de vue, le paradigme d’une autre image du temps, séparée de celle que supporte la mimesis aristotélicienne. Rancière évoque Les anneaux de Saturne, où Sebald fait une enquête sur les formes multiples de destruction mises en œuvre par les dominants. Mais cette enquête n’a pas seulement, et pas essentiellement, une vocation critique. « Sur toute la surface où l’exploitation et la domination ont tendu la toile de leurs destructions, on peut tisser une autre toile en entrelaçant une multiplicité de liens horizontaux et égalitaires ». Le « contre-travail de la fiction », c’est ce qui permet de parcourir les espaces « non pour collectionner les raretés mais pour inventer une autre image du temps : un temps de la coexistence, de l’égalité et de l’entre-expressivité des moments, opposé au temps de la succession et de la destruction »13. La littérature expose ce temps de la coexistence, qui est aussi celui des choses, des événements infimes, et des sentiments innommés. N’importe quel point du temps peut alors trouver son autonomie, s’émanciper du récit qu’il est censé servir, se décanter de sa fonction, qui est de conduire ce récit vers sa fin. Le « moment quelconque », c’est cela : « le moment qui ne construit ni ne détruit plus rien, qui ne se tend vers aucune fin mais se dilate à l’infini, incluant virtuellement tout temps et tout lieu autre »14.

Cette inclusion virtuelle indique sans doute un autre aspect du problème. L’autre temps issu du moment déviant ne conteste pas seulement la division du temps. Il permet aussi de s’attaquer à la fragmentation des temps sur la base de laquelle seulement peut aujourd’hui se développer le capitalisme. Dans les luttes du printemps 201615, dans celle des intermittents en 2003, dans le mouvement d’occupations des places, l’enjeu est le même : il s’agit d’inventer un temps commun. L’occupation n’est plus aujourd’hui « l’arrêt d’un temps assignant à résidence au lieu de la production. Elle est bien plutôt une tentative de surmonter une dispersion des espaces et des temps de travail. […] Dans ces espaces à la temporalité non déterminée, celles et ceux que les nouvelles formes du capitalisme ont dispersés en une multitude de lieux et de temps désaccordés s’efforcent de recréer un espace et un temps commun »16.

Inventer un temps commun, c’est donc aussi trouver les lieux dans lesquels il pourra se déployer, même si ces lieux sont bien étranges, même s’ils sont des « non-lieux » : des ronds-points par exemple, ces non-lieux « autour desquels des automobilistes anonymes tournent tous les jours ». C’est là, par exemple, qu’un autre temps va pouvoir être instauré ; un temps à la fois ralenti au regard de l’activité habituelle et accéléré dans la mesure où il s’agit en permanence de répondre « à des échéances pour lesquelles on n’est pas préparé »17.

La seule chose qui me semble devoir être ajoutée, c’est la nécessité (subjective, celle-là) de lier les deux ententes du « temps compté ». Se délier du compte capitaliste du temps, c’est désormais la condition pour pouvoir être en phase avec le compte à rebours de l’urgence planétaire. L’énoncé Now future ne dit pas seulement le souci pour les générations à venir, pas seulement non plus l’idée qu’il faut construire le futur depuis maintenant ; il dit d’abord que le futur, en tant que déjà là, brise la fiction du temps dominant. Mais cette brisure résonne bien dans un espace global qui est le résultat des victoires des dominants. Nul besoin désormais de faire semblant de d’attendre encore quelque chose de ceux qui nous gouvernent, et qui sont par définition en place pour empêcher que d’autres temps communs adviennent – autres que ceux de leur fiction de nécessité objective. Pour nous, les choses sont simples : il s’agit de compter sur le pouvoir du moment quelconque ; et de faire que le temps désajointé issu de ce pouvoir puisse trouver ses lieux.

Notes

  1. Les temps modernes, Paris, La Fabrique, 2018, p. 16[]
  2. Les Bords de la fiction, Paris, Seuil, 2017, p. 8[]
  3. En quel temps vivons-nous ?, Paris, La Fabrique, 2017, p. 31[]
  4. Les temps modernes, p. 53[]
  5. Rancière, Préface à la nouvelle édition du recueil de textes de Gabriel Gauny, Le Philosophe plébéien, Paris, La Fabrique, 2017, p. 10-11[]
  6. voir la très belle lettre de Gabriel Gauny à Bergier, que Rancière évoque dans sa préface, op. cit., p. 193 sq.[]
  7. Les temps modernes, p. 33[]
  8. Les temps modernes, p. 18[]
  9. Les temps modernes, p. 36[][]
  10. Les temps modernes, p. 34[]
  11. Les temps modernes, p. 37[]
  12. Les temps modernes, p. 38[]
  13. BF, 136[]
  14. Les bords de la fiction, p. 131[]
  15. En quel temps vivons-nous ?, p. 28[]
  16. Les temps modernes, p. 45[]
  17. Jacques Rancière, « Briser les cadres: Les vertus de l’inexplicable – à propos des Gilets jaunes » : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article47440[]