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A propos de Naomi Oreskes et Erik M. Conway, Le Grand mythe. Comment les industriels nous ont appris à détester l’État et à vénérer le libre marché, trad. de É. Roy, Paris, Les liens qui libèrent, 2024 [2023], 699 pages.

La longue histoire d’une idéologie à courte-vue

Le livre retrace l’histoire américaine du « fondamentalisme du marché » et de ses applications. Selon les différentes variantes de cette idéologie, l’État est tyrannique ; son intervention dans l’économie est contre-productive (même quand les marchés sont défaillants) ; les marchés sont plus démocratiques que les élections ; les entreprises privées sont efficaces et justes ; et elles seules incarnent l’esprit d’initiative qui fait battre l’économie américaine. Bref, les marchés n’ont que des qualités et les États que des défauts.

La première partie de l’ouvrage examine la cristallisation de cette idéologie dans les années 1920 et 1930. Le premier chapitre rappelle l’opposition des industriels aux efforts gouvernementaux pour briser les monopoles, empêcher les pratiques commerciales douteuses et améliorer les conditions de travail des ouvriers. Dans les années 1920, afin de justifier son opposition aux mesures visant à limiter le travail des enfants, le Médef américain de l’époque (la National Association of Manufacturers, ou NAM) est allé jusqu’à invoquer le risque de voir l’État « nationaliser » les enfants en les retirant à leur famille pour les placer dans des écoles publiques, où ils auraient appris à devenir de « vrais communistes » (brochure de 1924 citée p. 45).

Entre 1921 et 1927 parurent 12 784 éditoriaux commandités par l’industrie, qui cibla les enseignants et les chercheurs afin de promouvoir le capitalisme dans les programmes scolaires.

Dans les années 1920, raconte le deuxième chapitre, les compagnies d’électricité américaines avaient largement délaissé les campagnes, jugées peu rentables. Moins de 10 % des agriculteurs américains jouissaient alors de l’électricité, contre près de 70 % des agriculteurs en Europe du Nord, où l’électricité était généralement produite et distribuée par l’État (p. 60). Pour prévenir l’adoption d’un tel modèle aux États-Unis, une autre organisation professionnelle, la National Electric Light Association (NELA), ne ménagea pas sa peine. Entre 1921 et 1927 parurent ainsi 12 784 éditoriaux commandités par l’industrie (p. 76), qui cibla aussi les enseignants et les chercheurs : la NELA leur commanda des études favorables au secteur privé ; elle milita pour remplacer les manuels scolaires critiques par des manuels pro-entreprises (financés à l’occasion par les industriels) ; elle exerça des pressions pour revoir dans la même veine les programmes du secondaire et du supérieur ; et elle distribua des aides pour lancer ou étoffer des cursus universitaires en économie et en administration des entreprises. À chaque fois, le but était le même : promouvoir le capitalisme, discréditer l’implication du gouvernement dans l’économie et blanchir les industriels soupçonnés ou accusés de comportements délictueux.

 Addie Card, 12 ans. Ouvrière de filature à North Pormal Cotton Mill. Vt. », photographie de Lewis Hine (1912-1913). Source : Library of Congress, Prints & Photographs Division, National Child Labor Committee Collection, Reproduction Number: LC-DIG-nclc-01830.

Comme le montrent les deux chapitres suivants, les industriels partirent également en guerre contre le New Deal, avec l’aide de spécialistes des relations publiques tels qu’Edward Bernays. Pour anipuler l’opinion, ces industriels recoururent à de faux sondages, pilotèrent en sous-main de prétendues associations citoyennes, placèrent des articles complaisants dans la presse et financèrent des bandes dessinées dans les journaux. La NAM produisit aussi des séries radiophoniques, des films d’actualités pour la télévision et le cinéma, ainsi que des courts métrages et des films de fiction glorifiant la libre entreprise1. Selon les auteurs, la moitié de la population américaine avait été exposée à la communication de la NAM au début des années 1930 (p. 129). À partir de 1939, cette association professionnelle promut le « trépied de la liberté », qu’un de ses leaders résuma ainsi : « la libre entreprise est inséparable de notre démocratie et constitue une source de bienfaits et d’avantages au même titre que nos autres libertés – la liberté d’expression, la liberté de la presse et la liberté de religion. » (cité p. 1552 ) Toucher au principe de libre entreprise, c’était ainsi s’engager sur une pente glissante menant droit au socialisme le plus despotique.

La deuxième partie du livre est consacrée à la diffusion du fondamentalisme du marché. Le cinquième chapitre rappelle notamment la carrière américaine de l’économiste autrichien ultra-libéral Ludwig von Mises, pour qui n’existait qu’une alternative : le laisser-faire ou le totalitarisme. Parce qu’il donnait du crédit à leur discours, les libertariens américains soutinrent von Mises, notamment en lui décrochant un poste à l’université de New York qu’ils financèrent jusqu’à sa retraite. Friedrich Hayek, l’ancien assistant et protégé de von Mises, bénéficiera aussi d’un tel soutien. Le livre retrace en détail la carrière américaine de son livre le plus célèbre, La Route de la servitude. Ce pamphlet anti-socialiste fut notamment promu par un homme d’affaires qui finança en 1945 une tournée de Hayek de cinq semaines à travers les États-Unis, incluant une conférence devant deux mille personnes retransmise à la radio. La même année, le Reader’s Digest, dont le tirage avoisinait les neuf millions d’exemplaires, publia une version très condensée du livre, qui assimilait la planification socialiste au nazisme, avant que paraisse une version en bande dessinée réalisant l’exploit d’être encore plus caricaturale.

Une version abrégée du livre d’Hayek, La Route de la servitude, fut diffusée en 1945 à près de neuf millions d’exemplaires.

Les auteurs s’attardent ensuite sur les romans pour enfants de l’écrivaine Rose Wilder Lane. Ces ouvrages, dont La Petite maison dans la prairie est le plus célèbre, présentaient l’Ouest américain comme un territoire « disponible » et décrivaient les pionniers comme des travailleurs durs à la tâche et farouchement indépendants – laissant hors-champ l’armée et son rôle dans le déplacement et l’éradication des populations indiennes.

Le septième chapitre est consacré au « libertarianisme chrétien », que les auteurs étudient à travers le cas de l’association Spiritual Mobilization et de la Christian Freedom Foundation, qui furent soutenues par de nombreux industriels. Le livre se penche aussi sur le pasteur Norman Vincent Peale, célèbre promoteur du développement personnel et de la libre entreprise, et sur le non moins célèbre Billy Graham, qui fut l’un des fondateurs de la revue Christian Today, lancée en 1956 pour faire pièce à The Christian Century, jugée trop libérale.

Puis le huitième chapitre revient au cinéma. Dans les années 1940 et 1950, des réalisateurs libertariens et des hommes d’affaires utilisèrent la censure, l’intimidation et la propagande pour essayer de populariser le principe du libre marché. Alors que de nombreux films des années 1930 brossaient un portrait peu flatteur du monde des affaires, ceux des années 1950 y étaient nettement plus favorables, sous l’effet conjugué des purges anticommunistes conduites par le FBI à Hollywood et de la propagande diffusée par des associations comme la Motion Picture Alliance for the Preservation of American Ideals, pour laquelle la romancière libertarienne Ayn Rand rédigea des codes de censure. À la télévision, l’émission General Electric Theater, tout à la gloire du capitalisme et de l’entreprise General Electric, rencontra un immense succès ; à partir de 1954, elle fut présentée par un acteur sur le déclin qui se convertit à cette occasion au fondamentalisme du marché, Ronald Reagan.

Le neuvième chapitre montre comment des industriels ont joué un rôle majeur dans le financement et l’essor de l’école de Chicago, qui promut avec vigueur une conception très libérale de l’économie. Après de multiples pressions sur l’université de Chicago, l’homme d’affaires qui avait organisé la tournée de Hayek en 1945 réussit à lui décrocher un poste et finança son salaire pendant dix ans. L’économiste George Stigler, recruté à Chicago en 1958 grâce aux donations du patron des pharmacies Walgreen, publia pour sa part une version condensée de l’ouvrage fondateur d’Adam Smith, La Richesse des nations, caviardée notamment des passages appelant à réglementer les situations où l’intérêt personnel mine l’intérêt général et à subventionner les biens publics que les marchés ne peuvent fournir ou entretenir seuls.

Recruté à l’université de Chicago peu avant Hayek, Milton Friedman publia quant à lui Capitalisme et liberté, qui devint instantanément un classique de la pensée conservatrice, comme le raconte le dixième chapitre. Paru en 1962, en plein apogée du keynésianisme, ce best-seller défendait notamment l’idée absurde selon laquelle le marché est la seule source de créativité et d’innovation. Devenu l’économiste le plus influent de sa génération grâce à ce livre, Friedman devint carrément une star en 1980 grâce à sa propre émission de télévision, Free to Choose, financée en grande partie par des fondations conservatrices et des entreprises comme General Motors, Firestone et Pepsi.

La troisième partie du livre raconte l’application du fondamentalisme du marché aux États-Unis, qui prit d’abord la forme de dérégulations en cascade. Le démocrate Jimmy Carter ouvrit les hostilités en libéralisant la fourniture du gaz, le transport aérien, le transport routier et la finance, ce qui fit baisser les prix mais affaiblit les syndicats et accrut la concentration des entreprises. Son successeur, le républicain Ronald Reagan, ne se contenta pas de libéraliser les prix. Il sapa les lois de protection de l’environnement, de la santé et de la sécurité, sous les encouragements d’une flopée de think tanks, de fondations et d’associations anti-étatistes, qui fleurirent tout au long des années 1970 et 1980 grâce à la prodigalité de grandes entreprises et de milliardaires. Dans les années 1990, le démocrate Bill Clinton ne renversa pas la vapeur – les auteurs le qualifient même de « néo-néolibéral » (p. 477). Il dérégula tout d’abord les télécommunications, ce qui concentra les médias et polarisa le débat public, puis les marchés financiers, ce qui laissa les banques de dépôt, les banques d’investissement, les sociétés de bourse et les compagnies d’assurance libres de fusionner à loisir, sans que le gendarme de la Bourse fût doté des moyens de contrôler ces nouveaux géants de la finance et leurs produits financiers à haut risque. Avec les conséquences que l’on sait.

Dans la quatrième partie, de loin la plus brève, les auteurs attribuent au fondamentalisme du marché la méfiance généralisée à l’égard de la science. Mais pour eux, « les domaines dans lesquels la population paie le prix de cette dépendance excessive aux marchés et de cette défiance à l’égard de l’État sont innombrables » (p. 519) : crise des opioïdes, violences par arme à feu, obésité, perturbateurs endocriniens, fraudes, million de morts dues au Covid, inégalités, changement climatique ou encore « citoyens angoissés et malheureux » (p. 540). Pour résoudre ces problèmes, les auteurs en appellent à un nouveau New Deal. Et de conclure : « Les marchés sont un outil puissant auquel il serait stupide de renoncer, et il leur arrive de fonctionner de manière tout à fait satisfaisante, mais ils doivent être contrôlés » (p. 553).

Un rappel utile

Le livre ne manque pas d’intérêt. Documenté, vivant, bien écrit (et bien traduit), il dépeint de manière édifiante des épisodes souvent méconnus de l’histoire américaine et synthétise pour un large public une batterie de critiques adressées aux fondamentalistes du marché, qui n’ont jamais craint ni la mauvaise foi, ni les outrances, ni les affirmations abusives.

Les auteurs rappellent ainsi que la rhétorique des fondamentalistes du marché est souvent vague et trompeuse, par exemple quand elle invoque la « libre entreprise » sans préciser si cette expression désigne aussi la liberté de polluer ou d’étrangler ses concurrents potentiels. Ils rappellent les faux-semblants de la « magie des marchés », de l’« économie du ruissellement » et de l’idée que les réductions d’impôts stimulent mécaniquement l’économie. Ils rappellent au contraire que les dépenses publiques ne provoquent pas forcément l’inflation ou une croissance molle. Ils rappellent le deux poids deux mesures, qui relativise les imperfections des marchés tout en grossissant les échecs de l’intervention publique. Ils rappellent que le capitalisme et la démocratie ne sont pas nécessairement liés. Ils rappellent que l’on pouvait encore croire, en 1945, que la restriction des libertés économiques allait forcément entraîner un recul des libertés politiques, mais que cette opinion était absurde dans les années 1960, les démocraties européennes ayant prouvé le contraire. Ils rappellent les vertus du protectionnisme pour les pays en développement, et notamment pour les États-Unis au XIXe siècle. Ils rappellent que les premières grandes entreprises furent des créations de l’État, qu’il s’agisse de construire des routes et des ponts, de creuser des canaux ou de planifier le réseau ferré. Ils rappellent les contradictions des apôtres du moins d’État qui accroissent les dépenses publiques – le budget des armées a par exemple augmenté de 75 % sous Reagan3. Ils rappellent aussi que les départements d’économie américains n’ont jamais été très ouverts aux détracteurs du capitalisme, celui de Harvard se débarrassant même de ses économistes hétérodoxes à deux reprises au cours du XXe siècle. Et ils rappellent l’hypocrisie des intellectuels qui louent la libre concurrence mais font carrière grâce à des passe-droits (comme von Mises et Hayek), de ceux qui exaltent la libre expression tout en essayant de censurer leurs contradicteurs (comme Ayn Rand), et de ceux qui s’inquiètent de la concentration du pouvoir entre les mains de l’État mais pas entre les mains des multinationales (comme Friedman).

Documenté, vivant et bien écrit, le livre dépeint de manière édifiante des épisodes souvent méconnus de l’histoire américaine et synthétise pour un large public une batterie de critiques adressées aux fondamentalistes du marché.

La plupart de ces critiques étant connues, on peut regretter que ces rappels ne débouchent sur aucune mise en perspective originale. Le livre se conclut au contraire par des questionnements qui semblent un peu naïfs. « Arrivés à ce point de notre réflexion, nous sommes tentés de nous demander : les hommes et les femmes de cette histoire croyaient-ils réellement à la liberté ? Ou, pour le dire autrement, de qui défendaient-ils la liberté ? » (p. 530) Les auteurs semblent ainsi avoir cru un moment que les appels des industriels à la liberté étaient désintéressés. « On est même en droit de se demander si, au fond, tout cela a jamais eu quoi que ce soit à voir avec le capitalisme, ou même avec la liberté. Ne sommes-nous pas plutôt en présence d’un mouvement de défense des prérogatives industrielles – ou de la liberté du capital et des capitalistes – qui n’aurait pas connu d’interruption mais n’aurait cessé de changer de forme ? » (p. 511)

Ces questions sont moins naïves qu’il y paraît. Certes, il est évident que les discours anti-État et pro-marché sont souvent de simples slogans, qui cachent des stratégies très diverses pour mettre l’État et les marchés au service des entreprises les plus puissantes. Par exemple, les entreprises qui attaquent les réglementations publiques désavantageuses et critiquent « l’interventionnisme » savent aussi utiliser l’État pour préserver leurs parts de marché, accroître les subventions publiques, construire et entretenir des infrastructures, financer des recherches risquées, faire respecter les contrats, ouvrir des marchés étrangers ou payer de coûteux renflouements. La journaliste Jane Mayer a montré par exemple comment les frères Koch, qui sont devenus les principaux argentiers de la droite conservatrice américaine et se présentent comme des libertariens endurcis, défendent bec et ongles les exemptions d’impôts et les subventions favorables à leur empire pétrolier, qui a décroché par ailleurs près de 100 millions de dollars de contrats gouvernementaux dans les années 20004.

Mais même si les fondamentalistes du marché bénéficient de l’application de cette idéologie et peuvent la contredire dans les faits, il est possible qu’ils y croient sincèrement, comme beaucoup d’autres Américains. C’est même ce qui fait la force de ces slogans : ils font écho à un respect de la propriété, à un culte de l’initiative individuelle, à une célébration de l’abondance et à une méfiance envers l’État qui sont ancrés de longue date dans la culture américaine. Le livre, on va le voir, aurait gagné à mettre au jour ces profondes racines populaires du fondamentalisme.

Le fondamentalisme de marché s’enracine dans de profondes racines populaires de la culture américaine : un respect de la propriété, un culte de l’initiative individuelle, une célébration de l’abondance et une méfiance envers l’État.

Une efficacité des discours exagérée

Le raisonnement des auteurs repose au contraire sur une conception mécanique et quantitative de la propagande. En gros, plus vous dépensez, plus vous influencez. Le livre affirme ainsi sans le démontrer que, « dans la mesure où ils financent des projets qui les intéressent, les idées bénéfiques aux riches ont plus de chances de prospérer que les idées bénéfiques aux pauvres » (p. 215), faisant fi des nombreuses doctrines bénéfiques aux pauvres qui ont prospéré au cours de l’histoire sans l’appui de riches donateurs. De même, aux yeux des auteurs, « être fortuné procure non seulement plus de pouvoir d’achat, mais plus de pouvoir culturel, dans la mesure où les chercheurs et autres intellectuels font partie des choses que vous pouvez mettre dans votre caddie. » (p. 539) C’est également discutable, car les chercheurs en sciences sociales sont généralement moins tournés vers le secteur privé que vers l’État et ses financements pérennes5, tandis que les intellectuels ont longtemps mis à distance le libéralisme économique et l’intérêt matériel au profit de l’intérêt général6.

Selon les auteurs, « les experts en marketing le savent pertinemment : tout message, même faux, finit par convaincre s’il est bien ficelé et matraqué sans relâche. » (p. 540) C’est en effet une des promesses autopromotionnelles de Bernays (p. 313), que les auteurs auraient dû prendre avec des pincettes. Car la réalité est plus compliquée. « Ce que les recherches sur la communication de masse nous ont appris au cours de ses trois décennies d’existence, c’est que les médias de masse sont beaucoup moins puissants que ce qu’on croyait7 », conclut par exemple dès 1960 un grand nom de cette discipline. Et un de ses confrères de confirmer la même année : « les recherches sur la communication indiquent fortement que la communication de masse est en général plus susceptible de renforcer les opinions prévalant au sein du public que de les changer8. » Autrement dit, le marketing marche surtout quand il prêche des convertis.

Pour la diffuser le plus largement possible, les fondamentalistes du marché ont ainsi appuyé leur idéologie sur des affirmations faisant vibrer des cordes sensibles du peuple américain, on vient de le voir, et qui sont partagées à droite comme à gauche. Cette idéologie n’a pas été inventée de toutes pièces dans les années 1920, comme le reconnaissent occasionnellement les auteurs. Et elle n’a pas non plus été imposée à toute force : elle a prospéré au contraire parce qu’elle a rencontré un terreau populaire accueillant. On peut ainsi reprocher au livre d’étudier l’offre idéologique sans étudier en regard la demande, réduisant le peuple américain à un récepteur passif des discours patronaux.

Armés de leur conception mécanique et quantitative de la propagande, les auteurs sont en peine d’expliquer pourquoi ces discours ont eu peu d’effets sur l’opinion publique entre les années 1920 et 1970, avant d’être embrassés par une large partie de la population. Selon les auteurs, le contexte a joué, mais c’est avant tout « à cause du bruit de fond constant produit par le fondamentalisme du marché. À cause de cette rhétorique dominante à laquelle beaucoup d’entre nous, à force d’y avoir été exposés, ont fini par adhérer. » (p. 530) Autrement dit, au terme d’une lente progression souterraine, deux générations durant, ces discours auraient fini par sourdre à la surface et submerger le pays.

Cette affirmation pose plusieurs problèmes. Tout d’abord, en présentant successivement un discours, puis des efforts pour diffuser ce discours, puis des décisions semblant appliquer ces discours, les auteurs suggèrent que les discours ont produit les faits, mais ils ne le démontrent pas. Les auteurs ne discutent pas non plus la thèse adverse, selon laquelle les dérégulations des années 1970 et 1980 ont été conduites moins par idéologie que dans un mélange de pragmatisme, d’expérimentation, d’improvisation et de rapports de force. Comme le notent par exemple deux professeurs de science politique, la répudiation de l’économie mixte keynésienne n’est pas due à un « empiétement progressif des idées » : « de nouvelles idées ont prévalu parce qu’elles ont rencontré et animé de puissants intérêts économiques qui devenaient de plus en plus influents au sein de la politique américaine9. »

Ensuite, cette affirmation laisse de côté de nombreux facteurs importants : la place croissante de l’économie dans les discours et les décisions des présidents américains depuis le New Deal (par exemple, Clinton a parlé environ six fois plus d’économie dans ses discours publics que Truman et Eisenhower)10 ; le rôle des économistes dans les décisions politiques, à mesure qu’ils gagnent en importance à Washington depuis les années 1950 et que leur vulgate se diffuse dans le grand public, portée par une presse économique florissante et longtemps consciente du rôle important de l’État dans l’économie11 ; les guerres de chapelles et les modes intellectuelles, qui voient par exemple les politologues clamer périodiquement la fin de l’État et son renouveau depuis les années 197012 ; la croissance de l’État fédéral entre les années 1960 et 1990 et les résistances qu’elle a suscitées13 ; l’essor de « l’État submergé » aux États-Unis, dont l’action passe de plus en plus par des exemptions d’impôts, la garantie de prêts privés, des sous-traitants et d’autres intermédiaires, qui occultent le rôle réel des pouvoirs publics aux yeux des citoyens américains14 ; l’influence de la contre-culture et des critiques de l’autorité15 ; la montée en puissance de la finance16 ; l’impuissance des solutions keynésiennes face à la stagflation causée par le choc pétrolier de 1973 et la fragilisation de l’État américain suite au Watergate et à la guerre du Vietnam (brièvement évoquées p.370)17 ; ou encore la déresponsabilisation des politiciens face aux crises sociales et fiscales des années 197018.

En 1964 les trois quarts des Américains déclaraient faire confiance à Washington pour faire ce qu’il fallait la plupart du temps, mais en 1976 ils n’étaient plus que 40 %…

Enfin, cette affirmation est incomplète. Elle ignore le retour en force de l’État américain et les virulentes critiques du néolibéralisme depuis la crise de 2008, dont les auteurs parlent à peine. Elle n’explique pas quels Américains ont fini par adhérer au fondamentalisme de marché, et pourquoi eux. Elle n’explique pas non plus pourquoi l’opinion publique s’est retournée si soudainement – en 1964 les trois quarts des Américains déclaraient faire confiance à Washington pour faire ce qu’il fallait la plupart du temps, mais en 1976 ils n’étaient plus que 40 %19. Et dans l’ensemble, cette affirmation repose sur une histoire trop parcellaire pour être pleinement convaincante.

Amalgames et uniformisations

Derrière l’expression floue et péjorative de « fondamentalisme du marché », les auteurs rangent un éventail de phénomènes disparates telles que la défense des intérêts industriels, le principe de liberté du capital, le conservatisme, le libertarianisme, le néolibéralisme, le capitalisme, les apologies de la libre entreprise, « l’idéologie du libre marché », la revendication de droits économiques, la critique des impôts ou encore « l’idéologie anti-réglementation et anti-État ». Suivant les besoins de leur argumentation, les auteurs insistent sur l’une ou l’autre de ces facettes – par exemple, la responsabilité individuelle, identifiée au début du livre comme un des « grands thèmes de la pensée conservatrice » au XXe siècle (p. 55), disparaît à peu près complètement par la suite. Faute de cerner clairement les contours du fondamentalisme du marché, le livre produit souvent une impression de flottement.

De fait, le fondamentalisme du marché est moins une idéologie cohérente et stable qu’un agrégat d’assertions changeantes, hétéroclites et parfois contradictoires, auxquelles les Américains sont loin d’adhérer en masse. Par exemple, selon un sondage réalisé il y a une quinzaine d’années, 53 % des Américains interrogés étaient d’accord avec l’idée que « le marché libre est le meilleur système pour générer des richesses » (19 % étaient en désaccord et 28 % neutres), mais 51 % étaient aussi d’accord avec l’idée que « les grandes entreprises distordent le fonctionnement des marchés à leur avantage » (18 % étaient en désaccord et 30 % neutres)20. Autrement dit, les Américains peuvent défendre le libre marché tout en se méfiant des grandes entreprises. De même, une enquête menée à la même époque parmi les militants du Tea Party a montré qu’une majorité d’entre eux s’opposait au gouvernement et aux impôts tout en étant attachée à la Sécurité sociale, aux pensions pour les vétérans et au programme public d’assurance santé Medicare21.

Le fondamentalisme du marché est moins une idéologie cohérente et stable qu’un agrégat d’assertions changeantes, hétéroclites et parfois contradictoires, auxquelles les Américains sont loin d’adhérer en masse.

Le livre exagère également l’unité et la constance de l’opposition du milieu patronal à l’État. Après avoir cité un pamphlet de 1949, les auteurs écrivent que, « tout au long des décennies suivantes, les chefs d’entreprise américains n’allaient plus cesser de glorifier les marchés déréglementés et la liberté d’entreprise », de prôner un État limité et une fiscalité minimum et de fustiger les mesures publiques de protection des travailleurs, des consommateurs et de l’environnement (p. 162-163). En réalité, entre la fin de la deuxième guerre mondiale et les années 1970, les grands patrons américains ont été loin de parler d’une seule voix et la plupart se sont résolus à coopérer avec les syndicats et le gouvernement22.

En outre, si les auteurs unifient abusivement les discours patronaux, ils unifient également à tort les intérêts des entreprises américaines, qui sont loin de toujours converger. Par exemple, la libéralisation mondiale de la finance est une aubaine pour les grandes banques mais pas forcément pour le secteur industriel, que les capitaux très mobiles soumettent à des impératifs de rendement à court-terme tout en poussant les pays étrangers au protectionnisme. De même, l’abaissement des barrières douanières peut bénéficier aux multinationales mais nuire aux PME. Et les réglementations peuvent favoriser les start-ups au détriment des entreprises établies. Autant de nuances dont le livre ne s’embarrasse pas.

Une histoire lacunaire

Parcellaire et impressionniste, le livre offre moins une grande fresque qu’une juxtaposition de vignettes souvent édifiantes mais mal reliées entre elles et dont on peut questionner la représentativité.

En se concentrant sur la période 1920-2000, les auteurs laissent ainsi dans l’ombre l’anti-étatisme des Pères fondateurs et la croissance contrariée de l’État américain au XIXe siècle, mais aussi le discrédit du fondamentalisme du marché après la crise de 2008 et l’État fort promis par les présidents suivants, qui sont autant d’éléments fragilisant la thèse du livre. Les présidences de Barack Obama et de Donald Trump sont à peine évoquées, tandis que les puissants frères Koch, qui sont depuis vingt ans le fer de lance du conservatisme pro-business, ne sont cités qu’une fois. Des sujets majeurs comme le libertarianisme chrétien, les images véhiculées par Hollywood et le financement d’économistes par des industriels sont étudiés uniquement sur la période 1940-1950. De même, le livre s’intéresse beaucoup à la NAM mais à peine à la Business Roundtable, qui est pourtant une des plus puissantes associations professionnelles depuis les années 197023. Des intellectuels influents sont évoqués simplement en note (comme Walter Lippmann et Robert Nozick) ou carrément ignorés (comme Daniel Bell, Irving Kristol et James Buchanan)24. Et les auteurs n’étudient pas non plus la surface, la cohésion et la violence des médias conservateurs depuis un demi-siècle (Rupert Murdoch n’est jamais mentionné), ni leur influence sur le fond et la forme de la discussion publique aux États-Unis25.

Les auteurs auraient pu rappeler également que le « big governement » a souvent répondu au « big business ». De nombreux droits sont ainsi apparus pour permettre le bon fonctionnement des entreprises (droit des sociétés commerciales, droit de la distribution, droit boursier, etc.), ou pour en limiter les dégâts (droit du travail, droit de la consommation, droit de l’environnement, etc.)26. Le génie des conservateurs étant d’avoir remplacé l’opposition gouvernement-patronat par l’opposition gouvernement-peuple.

La place de l’État et du capitalisme dans les doctrines protestantes et catholiques est un autre angle-mort. De même que la tertiarisation et la financiarisation de l’économie américaine, souvent réduite au secteur industriel – sans doute parce que les auteurs sont sensibles aux problèmes environnementaux. Campant un duel entre le marché et l’État, le livre occulte aussi le rôle important des syndicats, acteurs centraux des Trente Glorieuses et soutiens essentiels du parti démocrate pendant cette période – à leur apogée, au milieu des années 1950, les syndiqués représentaient un travailleur américain sur trois ; si leur nombre n’a fait que décroître depuis, pour ne plus représenter qu’un travailleur sur dix, ils continuent à jouir d’une grande popularité27.

Ces lacunes, nombreuses et souvent injustifiées, donnent la fâcheuse impression que les auteurs ont privilégié les cas confortant leur thèse (cherry picking).

Mettre la science au service de la bonne cause ?

L’un des talons d’Achille des industriels et des conservateurs, c’est qu’ils doivent mentir à l’opinion publique pour la séduire. Ne pouvant avouer qu’ils veulent se débarrasser des régulations pour faire plus de profit, ou qu’ils sont les grands bénéficiaires de l’accroissement des inégalités économiques et de la faiblesse des réglementations environnementales, ils recourent massivement à la désinformation, aux contre-vérités, aux « faits alternatifs » et à la contrefaçon d’opinion.

Cette stratégie donne un rôle de premier plan à la science, dont on peut espérer qu’elle soumette ces manipulations à la lumière décapante des faits établis, comme l’ont fait les auteurs dans leur livre consacré aux scientifiques ayant jeté le doute sur les dangers de la cigarette, sur les effets des pluies acides ou encore sur la réalité du changement climatique28. Dans le présent ouvrage, au contraire, les auteurs choisissent d’opposer une propagande à une autre – si l’on reprend la définition qu’ils citent de la « propagande » comme une information « de nature partiale ou trompeuse, utilisée pour faire la promotion ou la publicité d’une cause ou d’un point de vue politiques particuliers » (p. 587).

De fait, le livre n’est pas une « intervention académique », comme l’admettent les auteurs dans l’édition originale du livre, mais un geste militant : il s’agit de prendre parti dans une « bataille idéologique » (p. 20). Et pour ce faire, les auteurs racontent des histoires davantage qu’ils ne font de l’histoire, au risque d’être partiaux et de défendre un point de vue politique particulier.

Les auteurs racontent des histoires davantage qu’ils ne font de l’histoire, au risque d’être partiaux et de défendre un point de vue politique particulier.

C’est particulièrement frappant dans le dernier chapitre du livre. Imputant de nombreux maux américains au fondamentalisme du marché, comme l’obésité, les violences par armes à feu, les fraudes ou les perturbateurs endocriniens, les auteurs en viennent à faire des raccourcis excessifs. Le fondamentalisme du marché serait par exemple responsable du fait que, selon une enquête réalisée en 2018, 73 % des salariés du parc Disneyland d’Anaheim n’avaient pas les moyens de se loger à proximité, ce que les auteurs jugent « criminel » (p. 524). S’aventurant sur le terrain politique, la conclusion plaide pour « des solutions fondées sur une fiscalité élevée et des réglementations strictes » (p. 548), avant de se clore sur une injonction qui donne l’impression d’avoir guidé tout le travail des auteurs : « L’heure est venue de rejeter le mythe du fondamentalisme du marché » (p. 555).

Deux pages plus loin, les remerciements confirment cette impression. On y découvre que c’est un ancien sénateur, devenu président de la Fondation pour les Nations unies, qui a suggéré le sujet du livre. Après avoir célébré leur précédent ouvrage sur la méfiance envers les scientifiques distillée par certaines grandes entreprises, il aurait dit aux auteurs : « vous devez nous expliquer comment on va pouvoir régler le problème » (p. 557). Et ceux-ci se sont mis à la tâche. « Peu à peu, nous avons compris que ce qui manquait à l’Amérique (et au monde), c’étaient les politiques adéquates pour effectuer rapidement et radicalement la transition vers une économie verte – un peu à l’image de ce qu’avait fait le New Deal avec l’électrification du pays. Or celles-ci ne pourraient être développées que si l’on abandonnait l’idée que “l’essor majoritairement non régulé des marchés et des technologies” était la seule planche de salut, comme le disait le Wall Street Journal. Nous avons donc obliqué vers une autre question : qu’est-ce qui pousse tant de gens à croire une telle chose ? […] Le présent ouvrage est la réponse à cette question. » (p. 558) Le livre a donc été conçu comme une arme politique. Le diagnostic a précédé l’auscultation. Et le remède – des marchés mieux régulés et un Green New Deal – est prescrit comme une évidence, sans faire l’objet d’une démonstration et sans envisager la possibilité de se passer des marchés.

Une telle démarche me paraît problématique. Non seulement elle affaiblit le propos, car il s’agit moins d’étudier scientifiquement des mensonges que d’opposer une opinion à une autre ; mais elle porte aussi atteinte au crédit de la science, ravalée au rang de discours communicationnel et instrumentalisée à des fins politiques. Professeurs d’histoire des sciences plaidant pour faire confiance à la science malgré ses imperfections29, les auteurs semblent ici estimer qu’on ne peut pas s’en remettre à la science pour gagner la bataille des idées.

Je suis conscient que vous n’avez sans doute pas envie d’entendre ça, vous qui lisez Terrestres. Beaucoup d’entre vous estiment probablement que les chercheurs en sciences sociales doivent descendre dans l’arène politique et mettre leur autorité au service de la bonne cause, aujourd’hui plus que jamais. Ce sont des questions difficiles : comment faire des sciences sociales à l’heure où la planète brûle ? Et comment le faire sans se couper du plus grand nombre ?

D’un point de vue scientifique, on peut tout d’abord réprouver que des auteurs bénéficient du prestigieux patronage de la science tout en s’exonérant de ses contraintes pour rendre leur récit plus édifiant. Que l’on soit historien ou sociologue ou politologue ou économiste, il est possible d’écrire de manière claire et entraînante sans être réducteur, excessif ou incomplet. Il semble bien plus difficile, en revanche, de s’engager dans une bataille politique ou idéologique sans éviter les biais épistémologiques du militantisme (manichéisme, partialité, biais de confirmation, cherry picking) et sans prêter le flanc à l’idée, colportée par les « marchands de doute », que la science est politique et idéologique.

À l’heure où les conflits idéologiques font rage et où l’urgence climatique gronde, la tentation est forte de faire de la science une arme.

Instrumentaliser les sciences sociales, même au nom des meilleures intentions du monde, c’est donc risquer de produire des savoirs défectueux et de perdre la confiance du public. Que ça nous plaise ou non, les sciences sociales doivent décrire et expliquer la société, pas résoudre ses problèmes. Les chercheurs en sciences sociales peuvent militer, manifester, voter et se faire élire sur leur lieu de travail ou à titre privé, mais ils ne peuvent imposer un but moral ou politique ou thérapeutique à leur recherche sans miner les idéaux scientifiques d’indépendance et d’impartialité sur lesquels elle repose. À l’heure où les conflits idéologiques font rage et où l’urgence climatique gronde, la tentation est forte de faire de la science une arme. Mais tant qu’ils revendiquent leur titre de scientifique sur la quatrième de couverture de leurs livres et qu’ils n’indiquent pas dès l’introduction parler à titre privé, les scientifiques ne peuvent s’exonérer des contraintes de la science.

Cela peut sembler un vœu pieux. Après tout, les chercheurs en sciences sociales ne vivent pas dans une bulle à l’abri de la fureur du monde. Comme tout un chacun, ils ont leur histoire, leurs habitudes, leurs croyances, leur sensibilité, leurs émotions, leurs relations, leurs ambitions, leurs stratégies et leurs doutes, qui influent autant sur le choix de leurs objets que sur celui de leurs méthodes ou de leur style d’écriture. Et c’est sans compter les obstacles qui entravent ou biaisent leurs travaux : sous-financement, précarisation, problèmes matériels, bureaucratie, manque de temps, surproduction d’articles insignifiants, impératifs des bailleurs, conformisme, suivi moutonnier des modes intellectuelles, corporatisme, entre-soi, myopie disciplinaire, adhésion doctrinaire à un paradigme, faiblesses méthodologiques, pauvreté stylistique, maîtrise approximative des concepts, théorisations hasardeuses, tentation de l’essayisme, nécessité de recruter des étudiants et des disciples, luttes intergénérationnelles, résultats jugés à l’aune de l’humeur du moment, sentiment d’urgence, appels à l’action, impact social avéré ou redouté, tentatives de récupération politique, etc. Et sans compter non plus les nombreux biais qui distordent la réception des travaux scientifiques par les journalistes, par le grand public et par les hommes et femmes politiques30

Pour certains d’entre vous, ces imperfections invitent à la vigilance : si les opinions des chercheurs imprègnent forcément leur travail, elles ne doivent pas lui servir de point de départ, de boussole et de destination. Pour d’autres, ces imperfections justifient tous les écarts : si la science est impure, pourquoi s’encombrer de preuves, de démonstrations, de réfutations, de méthodologies, de logique ? Hélas, le choix entre l’une ou l’autre de ces positions semble être aujourd’hui une affaire de croyance. Pire : même la science semble devenue une croyance parmi d’autres. Voilà une raison supplémentaire de défendre ses idéaux d’indépendance et d’impartialité.


Photo de couverture : Museums Victoria.


Notes

  1. Je recommande de regarder quelques épisodes de l’émission Industry on Parade, coproduite par la NAM et NBC : https://archive.org/search?query=%22Industry+on+Parade%22.[]
  2. La citation est tirée d’un ouvrage sur lequel les auteurs s’appuient beaucoup : WALL Wendy L., Inventing the “American Way”: The Politics of Consensus from the New Deal to the Civil Rights Movement, Oxford : Oxford University Press, 2008, p. 59.[]
  3. Source : Banque mondiale, www.macrotrends.net/countries/USA/united-states/military-spending-defense-budget, (chiffres ajustés de l’inflation).[]
  4. MAYER Jane, Dark Money: The Hidden History of the Billionaires Behind the Rise of the Radical Right, New York : Anchor, 2017 [2016], p. 260-261.[]
  5. NEWFIELD Christopher, Ivy and Industry: Business and the Making of the American University 1880-1980, Durham : Duke University Press, 2004, p. 123.[]
  6. LADD Everett Carl et LIPSET Seymour Martin, The Divided Academy: Professors and Politics, New York : McGraw-Hill, 1975.[]
  7. KATZ Elihu, “Communication Research and the Image of Society: Convergence of Two Traditions,” American Journal of Sociology, vol. 65, n° 5, 1960, p. 435-440, p. 436.[]
  8. KLAPPER Joseph T., The Effects of Mass Communication, New York : The Free Press, 1960, p. 49-50.[]
  9. HACKER Jacob S. et PIERSON Paul, American Amnesia: How the War on Government Led Us to Forget What Made America Prosper, New York : Simon & Schuster, 2016, p. 172.[]
  10. WOOD B. Dan, The Politics of Economic Leadership: The Causes and Consequences of Presidential Rhetoric, Princeton : Princeton University Press, 2007, p. 4.[]
  11. YARROW Andrew L., Measuring America: How Economic Growth Came to Define American Greatness in the Late Twentieth Century, Amherst : University of Massachusetts Press, 2010.[]
  12. WEISS Linda, The Myth of the Powerless State, Ithaca : Cornell University Press, 1998.[]
  13. GERSTLE Gary, Liberty and Coercion: The Paradox of American Government from the Founding to the Present, Princeton : Princeton University Press, 2015, p. 299-343.[]
  14. METTLER Suzanne, The Submerged State: How Invisible Government Policies Undermine American Democracy, Chicago : University of Chicago Press, 2011.[]
  15. HABERMAS Jürgen, Raison et légitimité : problèmes de légitimation dans le capitalisme avancé, trad. de J. Lacoste, Paris : Payot, 1978 [1973].[]
  16. STEIN Judith, Pivotal Decade: How the United States Traded Factories for Finance in the Seventies, New Haven : Yale University Press, 2010.[]
  17. HELLEINER Eric, States and the Reemergence of Global Finance: From Bretton Woods to the 1990s, Ithaca : Cornell University Press, 1994.[]
  18. KRIPPNER Greta R., Capitalizing on Crisis: The Political Origins of the Rise of Finance, Cambridge : Harvard University Press, 2011.[]
  19. NUNBERG Geoffrey, Talking Right: How Conservatives Turned Liberalism into a Tax-Raising, Latte-Drinking, Sushi-Eating, Volvo-Driving, New York Times-Reading, Body-Piercing, Hollywood-Loving, Left-Wing Freak Show, New York : PublicAffairs, 2007, p. 123.[]
  20. ZINGALES Luigi, A Capitalism for the People: Recapturing the Lost Genius of American Prosperity, New York : Basic Books, 2012, p. xxix-xxx.[]
  21. SKOCPOL Theda et WILLIAMSON Vanessa, The Tea Party and the Remaking of Republican Conservatism, New York : Oxford University Press, 2012, p. 59-63.[]
  22. MIZRUCHI Mark S., The Fracturing of the American Corporate Elite, Cambridge : Harvard University Press, 2013, p. 81-110.[]
  23. WATERHOUSE Benjamin C., Lobbying America: The Politics of Business from Nixon to NAFTA, Princeton : Princeton University, 2014.[]
  24. Sur Kristol, cf. SAUNDERS Frances Stonor, Who Paid the Piper? The CIA and the Cultural Cold War, Londres : Granta Books, 1999, p. 170-189.[]
  25. BROCK David, The Republican Noise Machine: Right-Wing Media and How It Corrupts Democracy, New York : Crown, 2004.[]
  26. ROBÉ Jean-Philippe, Le Temps du monde de l’entreprise. Globalisation et mutation du système juridique, Paris : Dalloz, 2015, p. 47-139.[]
  27. FEIVESON Laura, “Labor Unions and the U.S. Economy,” US Department of the Treasury, 28 août 2023, https://home.treasury.gov/news/featured-stories/labor-unions-and-the-us-economy ; MCCARTHY Justin, “U.S. Approval of Labor Unions at Highest Point Since 1965,” Gallup, août 2022, https://news.gallup.com/poll/398303/approval-labor-unions-highest-point-1965.aspx.[]
  28. ORESKES Naomi et CONWAY Erik M., Les Marchands de doute, ou comment une poignée de scientifiques ont masqué la vérité sur des enjeux de société tels que le tabagisme et le réchauffement climatique, trad. de J. Treiner, Paris : Le Pommier, 2012.[]
  29. C’est du moins le cas d’une des auteurs, cf. ORESKES Naomi, Why Trust Science?, Princeton : Princeton University Press, 2019.[]
  30. Sur ces sujets complexes et divers, je me permets de renvoyer à mon livre Histoire d’un mensonge. Enquête sur l’expérience de Stanford, Paris : La Découverte, 2018.[]