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À propos de Jack Goody, Le vol de l’histoire. Comment l’Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde, Editions Gallimard, 20101.

L’eurocentrisme a fait son temps. Depuis un demi-siècle, les critiques des récits historiques centrés sur l’extrême-est de la péninsule eurasiatique se sont multipliées, affirmées et approfondies. L’ouvrage de Jack Goody voudrait enfoncer le clou2 : on s’attachera à montrer que sa façon d’envisager les schémas de pensée eurocentriques et les façons de s’en extirper pose problème. Plutôt que de destituer ces schémas, Jack Goody les reconduit, et au carré. Ce faisant, il offre l’opportunité d’affiner l’entente de ce qui dans l’euro-centrisme, pour nous3, pose problème.

Anatomie d’un rapt

Le vol occidental de l’histoire tient dans sa « manière de conceptualiser et de présenter le passé où l’on part des événements qui se sont produits à l’échelle provinciale de l’Europe […] pour les imposer au reste du monde »4.

Cette occultation et ce vol de la richesse des expériences humaines des autres mondes humains réalisés, l’Occident peut alors revendiquer comme sienne l’invention d’institutions comme la démocratie, le capitalisme, la liberté, l’individualisme, l’humanisme et même l’amour. La possibilité et le monopole de ces inventions viendraient d’une trajectoire historique unique, où se seraient succédées des « phases » seules à mêmes d’engendrer les suivantes : seul l’Occident serait passé par l’Antiquité, le Féodalisme puis la Renaissance pour arriver au Capitalisme. De là, il est possible de faire comme si l’Occident était le lieu par excellence de toute dynamique historique, et de repousser le reste des sociétés dans une existence statique et/ou lacunaire, ne leur ayant jamais permis d’atteindre les grandeurs de l’Occident. Par exemple, le continent asiatique serait sous le joug du « despotisme oriental ».

Or, d’après Goody, ces réalisations européennes « sont fortement redevables à d’autres cultures urbaines »5. Il voit en effet les sociétés urbaines nées en Mésopotamie, dans le bassin méditerranéen, la Vallée de l’Indus et en Chine durant l’âge de bronze (3000 à 1000 avant J.-C.) comme fondamentalement similaires. Toutes seraient marquées par l’existence d’une bourgeoisie, d’une culture urbaine, d’un capitalisme mercantile, d’une même forme politique (l’Etat tributaire)6 et d’une stratification sociale permettant l’existence d’élites lettrées et l’accumulation du capital7. Goody souligne « les nombreuses similitudes apparues à l’âge du bronze dans les domaines tels que l’utilisation de la charrue, la traction animale, l’artisanat urbain ; ou encore le développement de l’écriture et les systèmes de savoir qui en découlent ». Il voit dans ces similitudes autant de “parallèles” dans les modes de production, « les modes de communication ou de destruction », « la structure familiale et la culture »8.

Loin d’être des traits historiques, il s’agirait de traits anthropologiques, marquant les sociétés urbaines eurasiennes au fer rouge, de leur naissance jusqu’à nos jours. Il n’y aurait aucune différence catégorielle entre ces sociétés, seulement des variations sur un continuum fondamental, et la possibilité d’une “avance” ou d’un “retard” d’une société par rapport à “l’avancée” du développement des autres. Sans que Goody ne le formule ainsi, ses propos suggère qu’il considère l’histoire d’un point de vue finalement classique évolutionniste : toutes les sociétés eurasiennes sont comme en compétition dans une même course à la civilisation. Les seules variations sont dans le rythme et la vitesse du perfectionnement d’un modèle homogène. Cette perspective serait la seule à même de rendre compte de « l’unité comparative » et « interactive » sur le temps long des sociétés eurasiennes9.

Ainsi les Cités grecques antiques n’auraient jamais été si différentes de leurs voisines perses ou nord-africaines. L’Empire Romain n’aurait pas été si différent de l’Empire chinois. Les parties orientales et occidentales de l’Empire Romain, après leur séparation, n’auraient pas eu non plus de traits socio-culturels significativement différents. La seule différence serait que la partie occidentale a connu une phase de déclin, tandis que la partie orientale, à travers Byzance, aurait maintenu ses acquis.

De là, Goody considère le féodalisme non pas comme une phase historique où les germes de la transition au capitalisme auraient été semés en Europe, mais comme une phase de déclin relative par rapport à l’Orient. La Renaissance ne serait en fait que le moment de rattrapage sur l’Orient. L’Occident aurait alors acquis une avance relative, d’autant plus spectaculaire que son déclin avait été marqué. Mais cette avance n’aurait été que relative, comme en témoignerait le rattrapage des pays asiatiques depuis le milieu du deuxième vingtième siècle10.

Cela permettrait aussi d’expliquer la perméabilité de l’Afrique aux dynamiques du développement eurasiatique. En effet : « Les nombreuses similitudes entre l’Europe et l’Asie eu égard aux modes de production, de communication et de destruction apparaissent plus clairement lorsqu’on prend l’Afrique comme point de comparaison. […] L’Afrique n’a jamais connu la révolution urbaine de l’âge du bronze »11. Goody valide donc l’idée que l’Afrique ne serait “entrée dans l’Histoire” que du fait d’une “traction” extérieure, de la part de sociétés plus “avancées”.

Jack Goody cherche donc à « comprendre l’histoire et la sociologie des grands États ou grandes civilisations eurasiatiques comme autant de variations mutuelles ». Il faudrait se débarrasser des notions comme le despotisme asiatique, qui brouillent les cartes en « introduisant des distinctions catégoriques : l’Europe possédait (sous la forme de l’Antiquité, du féodalisme, du capitalisme) quelque chose que les autres (tous les autres) n’avaient pas »12. Des différences existent d’après Goody, mais elles sont plus nuancées.

Et si l’eurocentrisme est ici l’ennemi, Goody souligne l’importance de se rappeler que le risque ethnocentrique est présent dans toutes sociétés. Il ne s’agit donc pas de mettre une autre partie du monde sur le trône dont on a privé l’Occident. Le but de Goody est d’éviter toute argumentation en termes de « causes primordiales, telles que les facteurs raciaux ou culturels » : « Nous devons considérer les développements ultérieurs qui ont marqué l’histoire de l’Eurasie en fonction d’un ensemble dynamique de traits et de rapports en constante interaction — en lien, notamment, avec une activité mercantile (« capitaliste ») permettant d’échanger des idées aussi bien que des produits »13.

Provincialiser l’Europe…

Dans cette perspective, la première partie du livre traque l’eurocentrisme chez trois grands chercheurs européens : Joseph Needham dans ses travaux sur les sciences chinoises et le problème de l’émergence des sciences modernes en Occident ; Norbert Elias dans ses travaux sur le processus de civilisation ; Fernand Braudel pour ses incohérences et son entêtement à situer le capitalisme en Occident alors qu’il en voyait lui-même la présence ailleurs.

La deuxième partie critique la « généalogie socioculturelle » du miracle européen, à travers l’exemple du découpage de l’histoire “pré-capitaliste” en trois “modes de production” distinct : l’antiquité, le féodalisme et le despotisme asiatique. En troisième partie, Jack Goody critique des lieux communs sur les institutions et les valeurs monopolisées par l’Occident telles que la valorisation du savoir rationnel à travers les Universités, mais aussi l’idée que l’Occident aurait inventé l’humanisme, l’individualisme, la liberté et la démocratie, ou encore que l’amour n’existerait que grâce à la bourgeoisie occidentale.

Dans quelle mesure Goody atteint-il ses objectifs, à savoir battre en brèche l’eurocentrisme ? Pour juger de cette question, il est utile de présenter le contexte intellectuel dans lequel ce livre s’inscrit.

Tout d’abord, il paraît à un moment où les travaux d’histoire (souvent écrits par des non-historiens) cherchant à dépasser l’eurocentrisme ont fleuri. Ces travaux s’inscrivent dans le sillage de l’essor des différents courants de recherche (world history, histoire globale, historical sociology) qui ont en commun d’avoir ré-ouvert la question du poids relatif de “l’Occident” dans l’histoire du monde, souvent en le relativisant. On peut citer, pour la littérature anglo-saxonne, depuis le début des années 1990 : les travaux de J. M. Blaut, puis d’Andre Gunder Frank, de Kenneth Pomeranz, de Dipesh Chakrabarty et de John M. Hobson14. Jack Goody fait référence à ces ouvrages, et s’inscrit dans leur sillage en critiquant l’eurocentrisme et en proposant une formule pour le dépasser.

À quoi ces auteurs s’opposent-ils ? A l’idée que la domination de l’Occident sur le monde aurait été un phénomène “destinal”, lié au caractère exceptionnel de la culture (ou des cultures) occidentale, supposément héritière de “l’invention” grecque de la philosophie et de la politique, du droit Romain, ou encore d’avoir inventé le rationalisme. Ces auteurs contestent aussi que cette domination se soit construite au profit de l’humanité dans la mesure où l’Occident incarnerait les valeurs de la liberté, de la démocratie, etc… Pour caricaturale que paraisse l’idée, il s’en trouve encore des défenseurs. Par exemple, le sociologue britannique néo-weberien Michael Mann défend l’idée que la domination occidentale est permise par ses structures culturelles “profondes”15.

Au-delà de l’histoire, le domaine de l’anthropologie est également le lieu d’un renouvellement des perspectives sur l’Histoire. En 2005, un an avant la sortie du livre de Goody, deux anthropologues émettent des propositions. Ainsi, le français Alain Testart s’essaie à une « classification générale des sociétés »16. Il est lui aussi, comme Goody, très inspiré par l’oeuvre de l’archéologue marxiste et évolutionniste Gordon Childe sur l’âge de bronze. De l’autre côté de l’atlantique, l’anthropologue américain David Graeber proposait sa propre perspective sur l’histoire mondiale17. Cette coïncidence chronologique semble indiquer que ces différentes entreprises répondaient au besoin de reconstruire des paradigmes historiques, dans le contexte de la fin de la guerre froide, puis des soulèvements zapatistes et les contre-sommets “anti-globalization” et enfin du renouveau impérialiste et sécuritaires des Etats-Unis et de leurs alliés après le 11 septembre 2001.

… Et l’Eurasie aussi !

Que valent donc les propositions de Goody, dans ce champ d’expérimentations épistémologiques ? D’abord, en ce qui concerne les arguments en termes de structures profondes, il semble à première vue que Goody fasse mouche. En effet, s’il est un objectif atteint dans son livre, c’est la mise en pièce de l’idée de toute supériorité culturelle de l’Occident sur le reste du monde. Cette supériorité est clairement posée comme dépendante des autres civilisations eurasiatiques et comme seulement relative et temporaire.

Mais, cela revient à valider l’idée qu’une certaine formation sociale a un moment été réellement supérieure à d’autres formations sociales (comme celles d’Afrique, d’Océanie ou des Amériques, que Goody se garde bien de défendre). Que ce soit un pôle ou l’autre de l’ensemble euro-asiatique qui soit en position de supériorité ne change rien à l’affaire : dans l’histoire dépeinte par Jack Goody, la supériorité est un fait certes temporaire, mais bien réel. L’asymétrie fondamentale est déplacée de “the West vs. the Rest” à l’Eurasie contre le “reste”.

Finalement, à vouloir établir des traits communs à toutes les sociétés urbaines de l’Eurasie depuis l’âge de bronze jusqu’à nos jours, ne risque-t-on pas de reconduire un nouveau type d’argument en termes de structure profonde ? Ce ne serait plus la supériorité historiquement située d’une « civilisation » sur une autre qui serait défendue. Ce serait plutôt le caractère universel d’une certaine forme de vie en société. Car à récuser — à raison, il faut le souligner — les vieilles distinctions catégorielles opposant systématiquement « the West and the Rest », il est loin d’être certain qu’on rende justice à l’histoire en voyant partout un même type de société : c’est-à-dire des sociétés urbaines, stratifiées avec des élites de différents types, des formes de propriété privée, du capitalisme mercantile, des cultures bourgeoises, un goût pour la vie séculaire, des formes d’amour “courtois”, etc… Car il s’agit bien du modèle que Goody propose de substituer à ceux qu’il met en pièce méthodiquement. Il récuse d’un côté les théories pour qui l’Occident serait la société historique par excellence, capable de progresser sur l’échelle de l’évolution. De l’autre, il fait de cette échelle le canevas universel de l’histoire des collectivités urbaines. Il remplace donc un évolutionnisme exclusif par un évolutionnisme légèrement plus inclusif.

On pourrait se demander si, pareille perspective, une fois mise à l’épreuve dans un véritable travail d’histoire globale — et non plus de critique théorique — pourrait être réformée pour rendre justice à la variété des expériences historiques. Notre avis est que c’est peu probable, car ce paradigme a déjà été mis en oeuvre, par un auteur auquel Jack Goody ne fait pas référence. Il s’agit de Victor Lieberman18.

Historien de la Birmanie, celui-ci a entrepris une gigantesque fresque comparative allant du IXè siècle aux années 1830, où il met en perspective l’histoire de l’Asie du Sud-Est continentale avec l’histoire de la France, de la Russie, du Japon, de la Chine, de l’Inde et de l’Asie du Sud-Est insulaire. Chacune de ces régions a droit à un ou plusieurs chapitres où un millénaire de leur histoire est synthétisé. Il s’agit donc d’un travail titanesque, auquel on ne peut rendre justice ici.

Ce qui nous intéresse, c’est que dans sa volonté de comparer des sociétés aussi différentes, tout finit par se ressembler. Après plus de mille pages d’histoire, le lecteur s’attendrait à pouvoir comprendre tant les similitudes que les différences entre toutes ces sociétés. Mais il n’en est rien : leurs différences sont réduites à de légères variations sur une échelle unilinéaire du développement de L’État centralisé, de la commercialisation de l’économie, de la formation d’une identité, d’une culture « proto-nationales » et du stade de développement militaire et technologique.

L’écueil d’un capitalo-centrisme

C’est exactement le résultat auquel mène le paradigme de Jack Goody. Les vieux lieux communs sur le despotisme oriental et sur le capitalisme occidental sont à juste titre dénoncés. Mais un « centrisme » peut en cacher un autre. Et le risque est de passer de l’euro-centrisme au capitalo-centrisme. Car à postuler que toute société urbaine a toujours eu une forme de vie sociale bourgeoise et capitaliste, et à exclure l’Afrique de cette histoire au titre qu’elle diffère, c’est la suprématie d’un système social qu’on légitime téléologiquement. L’Histoire ne serait considérée qu’à l’aune de catégories conceptuelles élaborées pour comprendre le capitalisme19. De manière générale, il semble que la proposition de Goody d’établir une grille conceptuelle, permettant de comprendre chaque situation historique comme une variation légère au sein d’un même cadre global, finisse par étouffer toute possibilité même de variation. Pareille grille conceptuelle, du moins dans les mises en oeuvre de Goody (ou de Lieberman), semble « discipliner » la matière historique et faire disparaître la possibilité même de la différence radicale20. Ce qui est d’autant plus problématique qu’on pose comme norme le système capitaliste.

Avant de reconstruire un paradigme historique à l’ambition aussi générale, il serait bon de se demander quelle est la perspective qui informe notre démarche. Sur l’enquête historique pèse une « dépendance téléologique »21, c’est-à-dire que des préoccupations plus ou moins conscientes ou explicites guident nécessairement le regard de l’enquêteur.ice. Et cette dépendance a un rôle politique, car comme le soulignait Cornelius Castoriadis :

L’histoire est toujours histoire pour nous — ce qui ne veut pas dire que nous avons le droit de l’estropier comme il nous chante, ni de la soumettre naïvement à nos projections, puisque précisément ce qui nous intéresse dans l’histoire c’est notre altérité authentique, les autres possibles de l’homme dans leur singularité absolue […]. [T]oute élucidation que nous entreprenons est finalement intéressée, elle est pour nous au sens fort, car nous ne sommes pas là pour dire ce qui est, mais pour faire être ce qui n’est pas.22

En offrant au capitalisme une « généalogie socioculturelle » tout juste retirée à l’eurocentrisme, le lecteur ne peut que se demander si l’auteur a fait œuvre de réflexivité politique. Car pareils propos ne peuvent être tenus pour une proposition scientifique neutre, notamment dans le contexte de l’hégémonie capitaliste néo-libérale23. Certes les analyses de Goody sont salutaires face aux positions néo-conservatrices24. Mais le risque est dès lors de naturaliser la configuration historique spécifique dans laquelle on vit, tout comme de nombreux historiens que critique Jack Goody ont pu naturaliser la domination occidentale.

À ce titre, la perspective de l’anthropologie anarchiste développée par David Graeber semble offrir un paradigme bien plus à même de faire ressortir de l’inattendu et de la différence dans l’histoire, sans retomber dans les clichés eurocentriques ni nier l’importance du capitalisme pour l’histoire mondiale25.

Pour finir, on posera donc l’hypothèse que Jack Goody offre ici une « épistémologie de transition »26. Sa critique permet indubitablement d’avancer dans la lutte contre l’eurocentrisme, et donc de moins mutiler l’histoire. Mais dans le même temps, la solution de remplacement qu’il propose, par ses biais manifestes, soulève de nouvelles difficultés toutes aussi redoutables.


Notes

  1. Cambridge University Press, 2006, pour l’édition originale. La traduction française est correcte. Mais des changements ont été introduits par rapport à l’édition originale, mais ils ne sont pas annoncés ni expliqués. Les deux premières parties du livre ont été inversées. Ces changements n’ont pas été pris en compte systématiquement dans les renvois à l’intérieur du texte. Parmi de nombreux exemples, il est écrit page 21 « La première partie du présent ouvrage s’attache à analyser cette appropriation de la périodisation et de la chronologie de l’histoire », ce qui aurait été correct pour l’édition anglaise mais est ici erroné. Sans que cela rende illisible le texte, il aurait été bon d’offrir au moins une explication pour le déplacement de deux parties entières.[]
  2. passage de l’oral à l’écrit et les changements ainsi induits dans la cognition et les structures sociales. Il est également connu pour ses travaux de sociologie historique comparée, sur les thèmes des techniques agraires, de la cuisine, des structures familiales, de la culture des fleurs, et plus récemment dans le champ de l’histoire économique globale. Voir notamment Jack Goody, La raison graphique. La domestication de la pensée sauvage, Paris, Les Editions de Minuit, 1979, 272 p. ; The Logic of Writing and the Organization of Society, Cambridge University Press, 1986, 236 p. ; Technology, Tradition and the State in Africa, CUP Archive, 1980, 100 p. ; Cooking, Cuisine and Class: A Study in Comparative Sociology, Cambridge University Press, 1982, 268 p. ; The Oriental, the Ancient and the Primitive: Systems of Marriage and the Family in the Pre-Industrial Societies of Eurasia, Cambridge University Press, 1990, 572 p. ; The Culture of Flowers, CUP Archive, 1993, 490 p. ; Capitalism and Modernity: The Great Debate, Wiley, 2004, 212 p. et The Eurasian Miracle, John Wiley & Sons, 2013, 114 p.[]
  3. Pour nous : c’est-à-dire pour tou.te.s celles et ceux qui ne se satisfont pas d’une approche de l’histoire qui naturalise le monde et les lois de l’Économie.[]
  4. Le vol de l’histoire. Comment l’Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde, Editions Gallimard, 2010, p. 13.[]
  5. Ibid, p. 15.[]
  6. Ibid, p. 385-386. Concept emprunté par Goody à la tradition marxiste, via Eric Wolf, Europe and the People Without History, 2nd Edition, University of California Press, 2010, 534 p. Il est significatif que l’entreprise d’Eric Wolf, à savoir intégrer les « peuples sans histoire » laissés à l’attention des anthropologues dans l’histoire globale du capitalisme, se soit soldé dans les faits par un échec. Son récit donnait à voir la manière dont leur existence fut brutalement annexée par le capitalisme. Mais leur expérience historique était vue toute entière à travers une histoire centrée sur les dynamiques internes à l’Occident. Les peuples sans histoire restaient sans histoire. Ici, Goody, anthropologue comme Eric Wolf, annonce d’entrée que son souci va aux « grands civilisations », problème d’après lui entièrement différent que celui de « négliger les petites sociétés auxquelles s’intéressent les anthropologues » (p. 16).[]
  7. Le vol de l’histoire, op. cit., p. 17-18.[]
  8. Ibid, p. 17.[]
  9. Ibid, p. 520.[]
  10. Ibid, p. 346-348.[]
  11. Ibid, p. 18.[]
  12. Ibid, p. 19[]
  13. Ibid, p. 22-23.[]
  14. J. M. Blaut, The Colonizer’s Model of the World: Geographical Diffusionism and Eurocentric History, The Guilford Press, 1993, 246 p. ; Andre Gunder Frank, ReOrient: Global Economy in the Asian Age, University of California Press, 1998, 416 p. ; Kenneth Pomeranz, The Great Divergence: China, Europe, and the Making of the Modern World Economy, Revised edition, Princeton University Press, 2001, 392 p. ; Dipesh Chakrabarty, Provincializing Europe. Postcolonial Thought and Historical Difference, Revised edition, Princeton, N.J., Princeton University Press, 2007, 336 p.; John M. Hobson, The Eastern Origins of Western Civilisation, Cambridge University Press, 2004, 394 p.[]
  15. Voir The Sources of Social Power, Vol.1 : A History of Power from the Beginning to AD 1760, Cambridge University Press, 2012 [1986], p. xvii.[]
  16. Sa proposition principale est qu’il faut radicalement séparer les classifications logiques et les typologies des formes sociales d’avec l’étude de leur manifestation historique. Seulement ensuite pourrait-on mobiliser des concepts construits scientifiquement pour étudier la réalité. Alain Testart, Eléments de classification des sociétés, Paris, Editions Errance, 2005, 156 p. Classification qu’il mobilise ensuite dans Alain Testart, Avant l’histoire: L’évolution des sociétés, de Lascaux à Carnac, Paris, Gallimard, 2012, 560 p.[]
  17. David Graeber, « La démocratie des interstices », Revue du MAUSS, 2005, no 26, nᵒ 2, p. 41‑89 (le titre original est plus évocateur : « There never was a West »). Puis « Turning Modes of Production Inside Out: Or, Why Capitalism is a Transformation of Slavery », Critique of Anthropology, 2006, vol. 26, nᵒ 1, p. 61‑85.[]
  18. Victor Lieberman, Strange Parallels: Volume 1, Integration on the Mainland: Southeast Asia in Global Context, c.800-1830, New York, Cambridge University Press, 2003, 510 p. ; Strange Parallels: Volume 2, Mainland Mirrors: Europe, Japan, China, South Asia, and the Islands: Southeast Asia in Global Context, c.800-1830, Cambridge University Press, 2009, 976 p.[]
  19. À ce titre, le lecteur pourra être surpris que Goody ne fasse aucune référence aux critiques postcoloniales de l’eurocentrisme. Si celles-ci sont problématiques à bien des égards, leur confrontation avec le marxisme a produit des propositions intéressantes pour l’historien. Par exemple, Dipesh Chakrabarty, Provincializing Europe. Postcolonial Thought and Historical Difference, Princeton University Press, 2000, 336 p.[]
  20. Sur cette problématique de l’usage de concepts totalisant et étouffant, on peut lire l’article de Warren Montag sur la lecture althussérienne de l’histoire de la folie de Foucault, Warren Montag, « « Foucault et la problématique des origines » : Folie et déraison lu par Althusser », Actuel Marx, décembre 2007, nᵒ 36, p. 63‑87.[]
  21. Philippe Norel, « Mondialisation et histoire : une approche épistémologique », Revue internationale de philosophie, nᵒ 239, p. 33‑55.[]
  22. Cornelius Castoriadis, L’institution imaginaire de la société, Paris, Seuil, 1975, p. 247-248. C’est l’auteur qui souligne.[]
  23. Voir, par exemple, Pierre Dardot et Christian Laval, La nouvelle raison du monde, Paris, La Découverte, 2010, 504 p.[]
  24. Par exemple, Samuel P. Huntington, Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 2000, 545 p.[]
  25. Pour une mise-en-oeuvre de cette perspective : David Graeber, « La démocratie des interstices », op. cit. ; David Graeber, Debt: The First 5,000 Years, Melville House, 2011, 544 p.[]
  26. Comme disait Michel de Certeau à propos de Paul Veyne, dans « Une épistémologie de transition : Paul Veyne », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1972, vol. 27, nᵒ 6, p. 1317‑1327.[]